André Ripois (Gérard Philipe) vit à Londres. Quand il ne travaille pas, il arpente les trottoirs londoniens à la recherche de l’amour. Mais à trop le chercher, il ne trouve rien, si ce n’est des aventures avec des femmes bien différentes.
Et puis il la trouve : elle s’appelle Patricia (Natasha Parry), elle est jeune, elle est belle, elle est différente, et il tombe sous son charme.
Seulement voilà : c’est le jour de son mariage avec Catherine (Valerie Hobson).
René Clément, Gérard Philipe et Raymond Queneau sur une même affiche ! On peut trouver pire. Et on n’est pas déçu, surtout devant la formidable prestation de l’acteur, entre comédie et tragédie, pour une errance fabuleuse, et pas seulement dans les rues de Londres.
Georges Sadoul parle de Ripois comme d’un « infirme du cœur » et, si je ne suis pas souvent d’accord avec ce monsieur, je trouve tout de même que c’est une très bonne description de ce jeune homme perdu dans une ville étrangère comme dans son propre monde intérieur.
Parce que Ripois est malade. Malade d’amour comme d’autres sont malades du cœur, et cette comparaison est des plus pertinentes dans le cas de ce jeune homme : chronique et malheureusement irrémédiable, il en souffrira jusqu’au bout. Douce souffrance, non ?
René Clément, qui sort du très beau Jeux interdits, se tourne cette fois-ci vers les adultes, nous présentant un personnage volage et sans cesse attiré par un jupon, comme en témoigne la sortie du bureau qui le voit suivre les femmes. Quand nous faisons sa connaissance, il est déjà marié et bien entendu, ce mariage bat de l’aile puisque son épouse envisage de divorcer. Il faut dire que la cour assidue que fait André à la belle Patricia y est pour beaucoup. Mais s’il n’y avait que Patricia… On sent qu’elles furent nombreuses toutes celles qui lui firent facilement tourner la tête (1), et que c’est par lassitude qu’elle se décide enfin à clore ce mariage.
Mais paradoxalement, c’est cette dernière femme – Pat – qui semble la bonne, celle qu’il attendait après l’avoir vainement cherchée. La preuve ? Il lui raconte sa vie anglaise sans rien dissimuler de ce qu’il a vécu, de ce qu’il a pensé, de ce qu’il a fait. Et c’est terrible tout ce qu’il se passe pour ce jeune homme qui va lentement descendre jusqu’à finir à la rue avant bien sûr de remonter la pente pour épouser l’héritière (Catherine).
C’est d’ailleurs dans la période vagabonde que Gérard Philipe est formidable, bien loin de ses rôles éclatants que j’ai déjà mentionnés ici. Et la rencontre avec Marcelle (Germaine Montero) marque le niveau le plus bas de cette déchéance : « peut-on tomber plus bas que dans les bras d’une prostituée ? » semble-t-il se dire.
Mais peut-on croire un tel personnage, même après une confession aussi complète ? Patricia se fait son idée, tout comme le spectateur et il semble qu’on arrive à la même conclusion. Mais le destin veille et la conclusion du film n’est pas sans rappeler le titre du roman dont est tiré le scénario : Monsieur Ripois et la Nemesis (2). Parce que sa Nemesis (ce n’est pas une des femmes !) va frapper, impitoyable mais juste, pour nous offrir une fin moins tragique que celle du roman, mais tout de même peu reluisante, voire un tantinet grinçante.
Par contre, si on avait laissé les Anglais s’exprimer pleinement dans leur langue plutôt que d’avoir recours à une francisation systématique des dialogues (3), le film n’en aurait certainement pas souffert. Bien au contraire : Yves Allégret avait bien réussi avec l’espagnol dans Les Orgueilleux l’année précédente, avec le même Gérard Philipe…
PS : on savourera avec plaisir les titres des ouvrages qui constituent la (petite) bibliothèque de ce « professeur de littérature » bien particulier…
- D’autant plus facilement qu’il ne semble vivre que pour ça.
- Louis Hémon, 1950 (roman posthume).
- Je n’ai pas parlé de doublage, notez bien.