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Le Monde de Djayesse

Le Monde de Djayesse

Un peu de tout : du cinéma (beaucoup), de l'actu (un peu) et toute cette sorte de choses [A bit of everythying: cinema (a lot), news (a little) and all this kind of things]

Publié le par Djayesse
Publié dans : #Cinéma, #Muet, #Biopic, #Abel Gance
Napoléon (Abel Gance, 1927)

Phénoménal.

Après Les deux Orphelines (David Wark Griffith, 1921) et Scaramouche (Rex Ingram, 1923), il était temps que les Français donnent leur version de leur Révolution.

Et là, on n'est pas déçu. Certes, Robespierre a toujours le mauvais rôle. Mais cette fois-ci, les ténors de la Révolution sont tout de même plus ressemblants. Et c'est aussi l'occasion d'avoir une séquence d'anthologie : La Marseillaise (voir plus bas).

Et c'est avant tout de Napoléon qu'il est question. De 1783 à 1796, nous allons suivre l'évolution dans le temps et dans la tête du dictateur le plus célèbre au monde.

 

Ca commence à Brienne, où Napoléon (Vladimir Roudenko) était interne. Il dirige une bataille de boules de neige, à quatorze ans, (déjà) comme un stratège. Et ça se termine aux portes de l'Italie, avant de commencer la Campagne.

Et entre les deux ? Des épisodes tirés des livres d'histoire. Tout y est : la boule de neige piégée ; la traversée de la méditerranée avec un drapeau tricolore en guise de voile ; la prise de la Redoute de Toulon ; et bien entendu Joséphine de Beauharnais (Gina Manès).

 

En plus d'un biopic, nous avons droit (encore une fois) à une leçon magistrale de cinéma.

Comme dans L'Aurore, nous avons droit à toutes les techniques cinématographiques existant : travellings, panoramiques, gros plans, caméra subjectives, montages parallèles, flashbacks... N'en jetez plus ! Et en prime, une séquence finale constitué par l'assemblage de trois plans côte à côte, accentuant le côté grandiose du personnage et de son destin.

C'est une féérie d'image. En plus de Gance, on note la présence de deux « migrants » russes (et pas des moindres !) : Victor Tourjanski et Alexandre Volkoff.

La caméra est presque toujours en mouvement, le montage est extrêmement rythmé, les images sont parfois teintées (rouge, bleu, jaune...). On en a plein les yeux.

Il y a une frénésie dans ce film que les images traduisent parfaitement : lors de la bataille de boules de neige, pendant la Marseillaise, le 10 août 1792...  C'est incroyable. A cela s'ajoutent des surimpressions d'images - jusqu'à cinq plans différents - qui terminent de nous submerger.

Et puis comme c'est Abel Gance, on a droit à une scène orgiaque : c'est le Bal des Victimes, qui tourne rapidement à la bacchanale, avec vin à gogo et danseuses dénudées. Du pur Gance, quoi !

 

Et Napoléon, c'est aussi - et surtout - celui qui l'interprète : Albert Dieudonné. Il ne joue pas Napoléon, il est Napoléon. Tout, dans son allure, sa démarche, son regard, sont les caractéristiques de « l'Empereur ». L'exaltation de Dieudonné suffit à amener le souffle épique qui manquait aux soldats qui feront la Grande Armée. Il y a dans ses yeux toute l'éloquence que ne nous permet pas d'entendre le cinéma muet. Et c'est pour ça que le cinéma muet est plus riche que le parlant.

Et puis il y a aussi le Napoléon plus intime : celui qui ne sait pas parler aux femmes qu'il désire, celui qui accepte une partie de colin-maillard avec les enfants de Joséphine. Il a autant de gaucherie que d'aptitude stratégique. Il en redevient humain, voire accessible. Ce sont d'ailleurs les seuls moments. Même en famille, il y a chez lui une supériorité que tous lui concèdent. Même avec sa mère, il est au-dessus. Ce n'est pas un fils normal.

 

Et bien sûr, il y a les moments de bravoures : les séquences « cultes », comme ils disent...

- La bataille de boules de neige : certes, elle fait partie de la légende dorée du Corse, mais il faut reconnaître que Gance en fait l'événement fondateur de la carrière de Napoléon. Comme lors de chaque grand moment du film, Gance a choisi d'utiliser une caméra au plus près de l'action, parfois subjective, parfois fixe, mais le plus souvent en mouvement. Cette séquence nous permet en outre de présenter un personnage qui sera témoin de l'ascension du héros, de Brienne à l'Italie : Tristan Fleury (Nicolas Koline).

- La Marseillaise : il y a trois grandes exploitation de cette chanson au cinéma. Celle de Michael Curtiz dans Casablanca, celle de Jean Renoir dans La grande Illusion, et celle-ci. Nous assistons à la naissance d'un hymne. Là encore, le montage de Gance et Marguerite Beaugé crée la magie. L'image est partagée en quatre puis en neuf parties avec tous ces gens qui chantent. Pour un peu, on entendrait Danton (Alexandre Koubitzky) chanter.

- La nuit du 10 août 1792 : c'est un montage parallèle entre la fin de la royauté et la fuite en bateau à travers la tempête. Il y a sans cesse un passage de l'Assemblée Nationale à la Méditerranée avec un mouvement de vagues. Le bateau est secoué par les flots pendant que l'Assemblée est secouée par les événements. Mais en plus, il y a un mouvement pendulaire de la caméra auquel s'ajoute une confusion des images due à la surimpression de cinq plans différents, le dernier apparaissant étant la guillotine !

- La veillée dans la Convention : Napoléon va partir pour l'Italie. Il vient une dernière fois se recueillir dans cette salle vide. C'est là qu'il rencontre les fantômes de la Révolution, Danton, Robespierre (Edmond van Daël), Marat (Antonin Artaud) et Saint-Just (Abel Gance soi-même) en particulier. C'est l'occasion de rappeler les garanties que donnait Napoléon quant à la sauvegarde de la Révolution - on sait ce qu'elles ont valu. Là encore, nous assistons à des surimpressions ( ce sont des esprits avant tout), mais il y a aussi cet homme face à son destin et son héritage.

- Aux portes de l'Italie : on change de format. Au lieu d'un 35mm habituel, on passe à un triptyque 3x35mm avec continuité (ou non) de l'image. Cela permet de grands panoramas mais aussi trois foyers d'actions dans une guerre qui s'annonce. C'est aussi là que Dieudonné-Napoléon prend toute sa dimension.

 

Trois cent trente-deux minutes de grand cinéma : du bonheur et beaucoup d'émotion.

 

 

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