1978.
Une usine de textile d'une petite ville du Sud des Etats Unis (le film est tourné en Alabama).
Norma Rae Wilson (Sally Field, formidable) est une jeune femme qui travaille dans cette usine où les dirigeants ont plutôt tendance à exploiter sa main-d'œuvre.
C'est alors que débarque Reuben Warshowsky (Ron Leibman), arrivant directement de New York, pour créer dans cette communauté exclusivement baptiste un syndicat.
Des démarches avaient déjà été entreprises dans ce sens, mais n'avaient jamais abouti : les gens n'en veulent pas, et surtout le patronat décourage de telles initiatives...
Et en plus, Reuben est juif...
Norma Rae est avant tout un film social comme on en faisait beaucoup aux Etats-Unis dans les années 1970 : on y dénonce ici une situation d'exploitation humaine comme il en existait (et existe encore) beaucoup. En plus de cette dimension sociale, se greffe un concept identitaire - très important aux Etats-Unis - divisant la population entre les Noirs et les Blancs, et entre les Chrétiens et le Juif. Parce que le syndicat est avant tout considéré - par les autochtones - comme une résurgence judéo-communiste venant les agresser dans leur vie. Qu'importe. Reuben est un Juif errant et fier de l'être. Il va de communauté en communauté afin d'aider ses concitoyens à jouir de leurs droits.
Dans chaque ville, il a besoin d'une personne qui fera levier auprès des autres et permettra la création de ce syndicat.
Pourquoi elle ?
Parce qu'elle est libre. Libre dans sa tête, libre de ses choix et dans sa vie. Comme le dit le pasteur : c'est «une bonne chrétienne, si on fait abstraction de deux ou trois choses... ». Ces choses, ce sont les hommes qu'elle a connus : le père de sa fille, mort lors d'une bagarre alors qu'il était ivre ; le père de son fils qui n'assume pas cette paternité ; et tous les autres hommes...
Cette idée de syndicat l'intéresse, mais sans plus. Comme une chose nouvelle qui vient de la grande ville (New York, vous vous rendez compte ?). Mais même si c'est intéressant, ça ne l'aide pas à vivre. Il faut nourrir sa famille, se loger, payer ses factures...
Et puis il y a l'événement qui la fait basculer. C'est son père, tout de suite hostile à l'arrivée de ce « syndicat juif » qui va le lui fournir. [Pour savoir les circonstances, voyez le film]
Nous assistons alors à son évolution de militante de plus en plus engagée dans cette lutte pour ses droits (et ceux des autres) et leur dignité humaine.
Le point culminant est le moment - très célèbre - où, juchée sur une table elle brandit un carton sur lequel un seul mot est écrit : UNION. « Union », c'est le mot anglais qui signifie syndicat. C'est beaucoup plus parlant, comme terme. Et pendant qu'elle brandit son panneau, les machines bruyantes au-delà du supportable s'éteignent l'une après l'autre, grâce à l'intervention des autres travailleurs. Le silence qui suit en devient assourdissant.
Mais cet engagement a aussi ses inconvénients : quand elle travaille pour le syndicat, elle ne s'occupe pas de sa maison, de ses enfants, de Sonny (Beau Bridges), son mari...
Et Martin Ritt filme au plus près l'évolution de son héroïne dans la jungle du droit du travail, utilisant beaucoup la caméra à l'épaule afin d'être au cœur de l'action, au cœur du problème.
Norma Rae fait partie de ces femmes fortes du cinéma américain, qui en plus d'une vie pleine, ont un idéal et se battent pour celui-ci. Elle annonce une autre jeune femme avec enfants (de différents pères, eux aussi), qui se battra pour les autres comme si sa vie en dépendait : Erin Brokovitch, dans le film éponyme de Steven Soderbergh.
Norma Rae, c'est aussi un constat : les dirigeants d'une entreprise ont beaucoup de pouvoir qu'ils n'ont pas l'intention de partager et encore moins de céder. Avec Norma Rae, ce sont les droits des travailleurs qui sont brocardés car en danger en 1978.
Mais en y regardant de plus près, on se rend compte que ces mêmes droits sont de plus en plus rognés et remis en cause par des dirigeants toujours plus puissants et qui en veulent toujours plus.
Et quand on voit les programmes électoraux de certains candidats à l'élection présidentielle française, on se dit que finalement, ce film qui va bientôt fêter ses quarante ans n'a jamais été autant d'actualité.
C'est aussi à cela qu'on reconnaît un bon, un vrai film social, qu'il soit américain comme ici, ou qu'il vienne d'ailleurs.