« Yesterday… »
La magnifique chanson de Paul McCartney revient deux fois dans le film. En miroir : au début et à la fin, comme God bless America (Irving Berlin).
Et entre les deux ? Un magnifique film de Sergio Leone. Avec ce film, il boucle un cycle qui commença quinze ans plus tôt avec Il était une fois dans l’Ouest.
Leone n’a pas fait énormément de films, comparés à d’autres (même Kubrick en a fait plus !), mais quelle quintessence !
Avec Il était une fois en Amérique, Leone reprend les thèmes de ses deux précédents films et les étire pour en faire une (nouvelle) fresque.
Parce que la vengeance et le temps qui passent sont là, ainsi que la violence. Inexorables. Dans les deux précédents opus, la mémoire était imprécise (Il était une Fois dans l’Ouest), ou nostalgique (Il était une fois la Révolution), et n’apparaissait que par flashes successifs. Ici, c’est le présent qui s’invite dans l’histoire. Et c’est le passé qui joue le plus grand rôle, même si, là encore, il se résoudra dans le présent.
Le présent, c’est 1968 (tiens, tiens...). Le passé : la Prohibition. Entre les deux ? Rien, ou presque.
Le passé, c’est l’ascension, pendant une dizaine d’années, d’un gang de jeunes truands juifs new-yorkais, jusqu’à l’abandon du Volstead Act, en décembre 1933.
Nous suivons en particulier l’évolution de David « Noodles » Aaronson (Robert de Niro). Comme dans Il était une fois la Révolution, il est question d’une amitié. Elle est partagée par Max Bercovicz (James Woods), ainsi qu’à un moindre niveau par Philip « Cockeye » Stein (William Forsythe) et Patrick « Patsy » Goldberg (James Hayden, qui est mort peu de temps après le tournage).
Alors la violence se déchaîne, crue, implacable. Plus terrible que celle de Frank dans Il était une Fois dans l’Ouest, sous fond de politique.
Et la vengeance ? Elle se construit pendant tout le film, jusqu’à la confrontation finale, mais…
Mais ce n’est pas elle qui est le véritable enjeu du film. C’est la nostalgie.
Noodles revient dans le quartier de son enfance et de son ancienne vie, Brooklyn. C’est un vieil homme, maintenant, la petite soixantaine. Il ne sait pas ce qu’il vient y chercher – une lettre anonyme l’a convoqué – mais il y trouve son passé. Il retourne sur le lieu de son bonheur. Chez Fat Moe, où il épiait Deborah, la sœur de Moe, qui s’entraînait à la danse dans l’arrière salle. Ce fut son seul grand amour. Amour réciproque, mais impossible, la vie étant souveraine. Et quand il peut enfin assouvir cet amour, il gâche tout.
Alors quand il revient chez Moe, trente-cinq ans après, il retourne épier l’arrière salle, et il se souvient… « Yesterday… Suddenly… », chante Paul… Jamais cette chanson ne fut aussi bien utilisée. Elle marque la nostalgie, mais fait surgir soudainement le passé dans la vie présente de Noodles. Et il se souvient. De tout. Du bien, comme du mal. La musique d’Ennio Morricone soulignant encore plus le côté nostalgique, rappelant les instants de bonheur de Mallory dans Il était une fois la Révolution.
En fin de compte, Noodles est passé à côté de sa vie : la femme qu’il aimait et qui l’aimait, l’argent, le succès, rien ne fut pour lui.
Et finalement, est-ce que le meilleur moment de sa vie, ce ne furent pas ses trips à l’opium, où tout se dissolvait dans une félicité éthérée ?