669.
C’est le nombre total d’enfants qui ont été sauvés par Nicholas Winton (Anthony Hopkins & Johnny Flynn) entre les accords de Munich et l’invasion de la Pologne : entre le 30 septembre 1938 et le 1er septembre suivant.
Tout commence quand Winton (1909-2015) part s’occuper des réfugiés tchèques qui ont fui les Sudètes. Si le sort des réfugiés est terrible, lui est plutôt sensible aux sorts des enfants qui n’ont plus tous leurs parents.
Rentré en Angleterre, avec l’aide de sa mère (Helena Bonham Carter), il va remuer le Foreign Office pour faire venir un maximum d’enfants réfugiés. Neuf convois de chemin de fer seront organisés : les huit premiers arriveront, le dernier sera annulé au tout dernier moment, condamnant les enfants – et les autres réfugiés à une mort atroce.
En 1987, la BBC organise une émission spéciale de That’s Life (1) pour lui rendre hommage : il y retrouvera une des enfants qu’il a sauvée. D’autres viendront…
MAGNIFIQUE.
James Hawes revient à son tour sur la période de plomb – les années 1930 en Europe – et met en valeur un de ces anonymes qui ont sauvé des vies, par simple esprit solidaire, sans contrepartie. C’est un véritable travail de titan qui sera effectué par Winton et les autres, au nez et à la barbe des nazis, même s’il regrette de ne pas avoir pu en sauver plus (le dernier convoi comportait 250 enfants).
Mais ce qui marque le plus, c’est très certainement la gratuité de ce geste immense : Winton était un altruiste comme il le raconte à son ami Martin Blake (Jonathan Pryce & Ziggy Heath).
Ce sont donc onze mois qui défilent du fait de l’ampleur de la tâche, qui n’est pas facilitée par l’administration. Seul Leadbetter (Michael Gould) va les aider, un peu à l’encontre de sa hiérarchie.
Et Anthony Hopkins porte avec brio ce film, tout en subtilité comme il sait le faire, bien loin des divers méchants que nous lui connaissons. Et son personnage, malgré l’immense geste qu’il a pu faire, reste un homme simple et foncièrement bon. Mais cette histoire est avant tout pour lui une façon de finir ce qu’il a commencé cinquante ans plus tôt : sans cesse dans l’action, il n’a jamais pris le temps de véritablement réaliser la portée de son geste. Alors quand il retrouve l’une de ses « préférées » – Vera Diamantova (Frantiska Polakova puis Henrietta Garden) – parce qu’elle aimait, tout comme lui le ski et la natation, le passé lui revient en pleine figure, et s’il arrive – presque – à se contenir, quand il rentre chez lui, « le chagrin lâche la bonde. »
Sur quoi pleure-t-il ? Très certainement ceux qu’il a laissés là-bas, malgré lui.
Pour un premier film, James Hawes fait très fort, racontant et dirigeant avec conviction cette histoire incroyable et oubliée (pas de tous, heureusement). Si certains ont surnommé Winton le « Schindler britannique », nous ne sommes tout de même pas dans le cas de l’Allemand. En effet, à aucun moment, Winton ne risque sa vie – était-ce le cas de Schindler ? – surtout qu’il est rentré au pays. Mais son action reste tout de même tout aussi remarquable. Et on sent un peu l’influence du film de Spielberg sur Hawes. Mais qu’on ne s’y trompe pas : il ne s’agit nullement d’un hommage ou d’une quelconque imitation du film du maître.
Hawes reste continuellement sur l’aspect ordinaire de son héros. S’il est reconnu par la société anglaise, c’est parce qu’il a profité de l’absence de sa femme pour faire du rangement : il a réussi à détruire une grande partie de ses affaires qui encombraient sa maison – ça en représente des choses, un vie ! – mais il ne peut se résigner à détruire cet exploit – qui pour lui n’en est pas un : c’est un autre témoignage de guerre, un peu différent des autres.
Et pourtant, c’est tout sauf un témoignage ordinaire. Parce que Nicholas Winton n’était pas un personnage ordinaire, comme le montre ce film : et l’hommage se termine sur de véritables images de Winton. Quand il a un âge avancé bien sûr, mais on n’oubliera pas la dernière, certainement la plus emblématique : le jeune Winton qui regarde l’objectif d’une caméra, un enfant dans les bras.
C’est très fugace, mais peut-être la plus belle.
- Emission un tantinet démagogique, en tout cas très populaire à l’époque.