Un film socialiste aux Etats unis, ça étonne toujours. Surtout dans les années 30.
Mais en temps de crise, on se tourne vers toute solution. En Europe, c'est le fascisme et le nazisme.
Vidor, lui, propose une expérience qui, si elle n'est pas exactement socialiste, y ressemble beaucoup.
Il s'agit d'un film d'actualité. A cette époque, les fermiers américains meurent de la crise, de la sècheresse, du Dust Bowl... C'est un pays exsangue qui compte sur Roosevelt et le New Deal pour se sortir de cette situation désespérée.
Alors que certains paysans fuient leur ferme (expropriée) vers la Californie, d'autres se regroupent en communauté pour faire face ensemble.
C'est cette histoire que raconte Vidor, celle de Mary & John Sims (Karen Morley & Tom Keene), qui récupèrent un bout de terre et vont le faire fructifier avec l'aide des autres fermiers errants qui sont légion sur les routes à cette période.
Et cette communauté exploite non seulement la terre, mais aussi les compétences de chacun pour vivre dignement.
Si ce film peut passer pour socialiste, il est avant tout un film américain.
La référence de ces nouveaux pionniers est John Smith, le Pionnier originel des Etats Unis, celui de Pocahontas. Et ça tombe bien, puisque que John Sims, ça sonne un peu pareil [aucune coïncidence].
C'est autour d'un feu de camp qu'ils décident de s'organiser en communauté, mais leur régime n'est pas le socialisme, rapidement balayé après avoir été suggéré.
Tous ces gens viennent d'horizons différents, l'un est citadin au chômage (Sims), l'autre est paysan du Minnesota (Larsen - incontournable John Qualen), tel autre est menuisier, tel autre maçon, et même violoniste ou vendeur de cigare. Deux personnages se distinguent par leur origine : Larsen, immigré suédois et Cohen, le repasseur de pantalon juif.
Tous ces gens sont partie prenante du Melting Pot. Ce creuset de l'Amérique qui fait d'individus disparates un seul et même peuple.
Et puis il y a les méchants.
Le Shérif, qui doit vendre la propriété au plus offrant mais qui finalement doit la céder à la communauté à un prix dérisoire.
Louie Fuente (Addison Richards), gros bras du village qui n'est autre qu'un truand en cavale mais dont le sacrifice va permettre la survie de la communauté.
La Femme fatale (Barbara Pepper), celle par qui le scandale arrive, d'habitude. Elle est blonde, arrogante, elle fume, et écoute du Jazz, cette musique qui a explosé sur les ondes et dans les salles de concert pendant la même période. Parce que c'est une oisive. Elle est belle, elle le sait et fait tout pour attirer Sims dans sa toile. Elle finit presque par y arriver.
Mais quand la menace de la sécheresse est trop forte et qu'une possibilité de sauver la communauté se présente, Sims retourne vers les siens et les lance dans ce qui est la scène mythique du film : le creusement d'un canal d'irrigation.
Parce que c'est cette scène qu'on retient du film. C'est aussi la scène pénultième (j'adore ce mot). On y voit tous ces hommes au bord du désespoir se raccrocher au plan de Sims et œuvrer à faire venir l'eau dans leur champ.
Alors c'est une suite de pioches et de pelles qui s'abattent régulièrement, méthodiquement sur le sol et créent ce canal synonyme de survie.
Cette scène fut tournée au son d'un métronome et d'une grosse caisse*. Et la régularité du mouvement lui donne une plus grande force.
Inutile de dire que ce film, de par ses valeurs humaines universelles et un tantinet communistes fut un échec commercial. Il n'empêche qu'il reçut le second prix du film de Moscou, et qu'il aurait pu rafler la mise s'il ne fût pas américain, et donc capitaliste*.
* cf. La grande Parade (Lattès, 1981), pour tout autre renseignement complémentaire.