Magnifique.
L'Afrique comme Hollywood ne l'a jamais filmée.
Ni désert, ni animaux dangereux dans tous les coins.
Du vert. Partout.
Et au milieu, Karen Dinesen (Meryl Streep, toujours aussi merveilleuse) qui va devenir Blixen.
Et juste à côté, Dennis George Finch Hatton (Robert Redford, toujours séduisant), l'amour de sa vie.
Parce qu'il s'agit d'une histoire d'amour. L'amour de Karen pour Denys, et l'amour de Denys pour l'Afrique.
Mais c'est aussi une histoire sur la fin de l'Afrique sauvage. Celle que les colons (Anglais, français, Allemands) ont essayé de dompter et dont on voit encore aujourd'hui les marques terribles que ces gens ont fait. C'est une marche forcée vers la civilisation, à laquelle Karen aussi contribue.
Certes, l'Afrique coloniale de Tarzan est pittoresque à côté de ce que Sydney Pollack nous propose. Mais tout de même, il y a un décalage entre ces gens qui prétendent diriger ce grand continent et les véritables personnes à qui il appartient. Et le dernier combat de Karen avant son départ va dans le sens de ces derniers : elle a compris.
Mais elle a mis du temps : plus de quinze ans. Entre le moment où elle débarque de son Danemark natal (1913) et son retour au pays, elle a compris que l'Afrique ne lui appartenait pas. Mais ce fut long. Sans cesse elle parle de SES possessions : SES porcelaines, SA ferme africaine, SES Kikuyus (autochtones de la ferme).
Mais c'est avec Denys qu'elle va évoluer et comprendre que sa place n'est pas ici, ou tout du moins tant qu'elle ne considèrera pas ce territoire comme un lieu de passage, un emplacement qu'on emprunte le temps d'une vacation. Parce que c'est ce qu'elle vit : une parenthèse dans sa vie de Danoise blasée et malheureuse. L'Afrique, la vraie, celle de Denys, c'est son Eldorado, mais comme ce lieu mythique, elle n'existe pas vraiment, en tout cas pas pour elle.
A l'instar du Titanic de James Cameron, Out of Africa nous fait vivre la fin d'un monde : celui de l'aristocratie anglo-saxonne. Alors que la guerre éclate, le système en place vit ses dernières heures. De ce conflit, d'ailleurs, on ne voit que peu de choses : une réunion suite à la déclaration de guerre (combien de semaines après ?), un campement en rase campagne, loin de tout, que Karen réussit à atteindre avec sa caravane - sous l'œil ébahi des hommes (des vrais : ils font la guerre !), et un défilé nocturne pour célébrer la victoire (à Noël !).
Mais quand le conflit se termine, la donne change. Les colons tentent de reprendre la main, mais la civilisation débarque avec les voitures et le chemin de fer, les camions qui laissent d'énormes ornières dans ce qui fut un magnifique paysage, et l'avion... Cet avion qui emmène Karen (et Denys) au ciel (le septième ?), mais permet à ce même Denys de voir les blessures béantes de cette civilisation. La deuxième guerre mondiale arrivera, préparant le lit des indépendances qui balaieront tout ça, laissant tout de même les cicatrices.
Et pendant ce temps, nous assistons à l'éveil à la vie d'une femme. Eveil à la réalité du monde (le travail, la guerre) et éveil à l'amour.
L'amitié (le parent pauvre de l'amour) avec Bror von Blixen (Klaus Maria Brandauer), l'amour platonique avec Berkeley Cole (Michael Kitchen), et l'amour fou avec Denys.
Merveilleux.