Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le Monde de Djayesse

Le Monde de Djayesse

Un peu de tout : du cinéma (beaucoup), de l'actu (un peu) et toute cette sorte de choses [A bit of everythying: cinema (a lot), news (a little) and all this kind of things]

Publié le par Djayesse
Publié dans : #Cinéma, #Franklin J. Schaffner
Papillon (Franklin J. Schaffner, 1973)

Un représentant de l’Etat explique, à des hommes, que la France les a reniés.

Ils n’ont plus de patrie.

Le plan s’élargit, les hommes sont de dos, nus. Ils n'ont plus rien. Ils ne sont plus rien.

Ils embarquent alors, après avoir traversé la ville*. Leur destination : la Guyane française et son bagne.

Parmi les détenus, deux figures nous intéressent : Louis Delga (Dustin Hoffman), faussaire génial, et Henri Charrière, dit Papillon (Steve McQueen).

Entre eux va se développer une amitié étrange, entrecoupée par des tentatives d’évasion.

 

Nous sommes en 1973 quand Franklin J. Schaffner tourne cette épopée pénitentiaire. Même Henri Charrière, auteur du roman éponyme, est encore en vie (il mourra le 29 juillet de cette année-là). Au scénario (entre autres) Dalton Trumbo, qui récrit l’histoire – déjà sujette à caution – de l’ancien bagnard.

Mais Papillon, c’est avant tout la rencontre de deux légendes du cinéma : Steve McQueen, l’un des acteurs les plus cools d’Hollywood, dont le talent n’est plus à prouver ; et Dustin Hoffman, découvert quelques années plus tôt (Le Lauréat, 1967), qui entame une carrière d’homme-caméléon avec ce rôle d’un homme très myope et à la calvitie naissante.

 

Mais ce film, c’est avant tout une critique acerbe du système pénitentiaire français. Et comme pour la première Guerre Mondiale, il faut attendre que ce soient les Américains qui en abordent les côtés sombres (Les Sentiers de la gloire, 1958). Deux ans après Johnny got his gun, on peut faire confiance à ce scénariste (Trumbo), anciennement placé sur la Liste noire, pour dénoncer quelque chose.

 

Steve McQueen et Dustin Hoffman sont formidables de bout en bout : McQueen en éternel rebelle à l’autorité, toujours en quête d’une occasion pour s’évader. Quant à Hoffman, il fait de Delga, qui est un homme assez quelconque au premier abord, un personnage attachant, même si on est quasiment sûr – Comme Paillon – qu’il ne partira jamais du bagne. Et la relation entre ces deux personnages en devient émouvante, à chacune de leurs retrouvailles.

 

Et puis il y a le jeu de McQueen, pas si « cool » que ça. Les aventures (romancées, certes) sont éprouvantes et McQueen donne une autre dimension à son personnage : Charrière, s’il n’a pas tué le souteneur comme le tribunal la reconnu, était tout de même un (petit) criminel. Et Papillon/McQueen ne s’en cache pas. Mais sa composition tout au long du film nous fait oublier ces « erreurs de jeunesse ». Il y a une humanité chez ce Papillon-là qu’on ne retrouve pas obligatoirement dans le livre*. Le passage dans l’Ile des Lépreux est un très bon exemple de cette humanité véhiculée par McQueen.

Autre grand moment du film : l’incarcération de Papillon dans une cellule pendant deux ans qui se durcit quand on lui diminue sa ration alimentaire et on lui enlève la lumière (il reste juste un tout petit puits qui éclaire à peine son visage). La survie de Papillon va plus loin que ce qu’on avait pu voir dans les autres films pénitentiaires, les conditions de survie étant ce qu’elles furent. Nous sommes véritablement dans la cellule, et vivons de très près ce que vit Papillon, et surtout sa lente progression vers la folie, son esprit se désagrégeant pendant que son corps vieillit prématurément.

 

Mais comme on est dans un film qui dénonce certains « dysfonctionnements », on en arrive à une galerie de personnages plus ou moins antipathiques : le porte-clés (Allen Jaffe), homosexuel notoire qui alerte la garde ; les chasseurs d’hommes, d’anciens bagnards qui sont restés et traquent les évadés ; et les innombrables gardiens, plutôt des fonctionnaires consciencieux que de véritables méchants. Le gardien-chef  (William Smithers) de la section « réclusion » en un bon exemple du fonctionnaire consciencieux. Il n’y a aucune haine dans son action (parfois rude). Il fait ce pourquoi il est payé, sans en tirer ni joie ni peine. On peut même se demander si cet homme a des émotions.

 

Mais s’il fallait désigner la personne la plus « mauvaise », ce serait pour moi la mère supérieure (Barbara Morrison) : Papillon, aidé par une jeune religieuse est hébergé au couvent, laissant en gage sa fortune. Ce répit ne dure qu’un temps, dès le lendemain, il est arrêté et reconduit à son point de départ…

La dernière remarque qu’elle lui fait avant qu’il s’en aille est magnifique de rosserie et de malfaisance : un comble pour une personne religieuse dont le but est l’aide aux plus nécessiteux. En moins de trois minutes, elle arrive à se faire détester de Papillon et des spectateurs ! Un personnage inoubliable.

 

Papillon est un film fort, servi par une distribution impeccable, dont certaines séquences sont difficilement soutenables : la guillotine au milieu de la cour n’est pas qu’une menace, et encore moins un élément de décoration qui sert à couper du bois. Un bagnard repris pour la troisième fois en fera la triste expérience. Là encore, un moment inoubliable du film.

 

 

* Pas un mot n'est échangé, seul le bruit des sabots battant le pavé. On pense à une autre chiourme célèbre, celle que Jean Valjean et Cosette voient passer dans Les Misérables de Raymond Bernard, encore plus terrible. Rien n'a beaucoup évolué en 100 ans...

 

** Dans le livre, la troisième tentative est la bonne (comme dans le film), mais le livre raconte ce qu’il se passe ensuite : une nouvelle occasion de raconter d’autres histoires plus ou moins vraies mais tellement palpitantes, elles aussi !

 

 

 

Commenter cet article

Articles récents

Hébergé par Overblog