Saint Valentin, été 1900.
Nous sommes en Australie, dans un pensionnat de jeunes filles - européennes.
Dès le générique, nous savons que les jeunes filles n'ont pas été retrouvées.
Peu importe. Le propos n'est pas là.
Quatorze ans avant Le Cercles des Poètes disparus, Peter Weir décrit l'univers d'un internat. Ce sont des jeunes filles anglaises, issues de familles riches. Il s'agit d'une petite institution (une quinzaine de jeunes filles seulement) où elles apprennent à devenir des femmes accomplies : on y enseigne la musique, la peinture, la broderie... Bref, tout ce qui est considéré comme improductif. Leur avenir est tout tracé, en sortant, elles seront bonnes à marier et avoir des enfants. Parce que nous sommes dans la dernière année de règne de Victoria (que nous apercevons sur un médaillon). Même si l'action se passe bien loin de l'Angleterre, les valeurs de la société victorienne sont très prégnantes.
C'est une période de dissimulation. On cache ses sentiments, on cache son corps. Les femmes sont engoncées dans un corset. Alors que le monde se tourne résolument vers l'avenir, cette institution reste engluée dans le passé. Pas étonnant alors que ces jeunes filles disparaissent.
Il y a chez ces jeunes filles (et leur prof de maths) un besoin de s'émanciper. Miranda (Louise Lambert), la plus charismatique, va les y aider. C'est elle la première qui ôte ses chaussures et surtout ses bas, ce qui horrifie Edith (Christine Schuler), la quatrième jeune fille qui n'ira pas jusqu'au bout. C'est trop pour elle : elles marchent jambes nues ! [En outre, la première préoccupation de la directrice de l'internat est de savoir si la jeune fille n'a pas été violentée - avec ou sans « ent »]
Et lors de son interrogatoire, tout le puritanisme victorien sortira quand elle parlera de Miss MacCraw (Vivean Gray). Elle n'ose dire tout haut qu'elle l'a aperçue en jupons. Et la pudibonderie de cette époque est exprimée par leur professeur de Français, Melle de Poitiers (Helen Morse) : « les pantalons » dit-elle en Français dans le film, pour ne pas dire le mot anglais.
Mais l'une d'elles est retrouvée, inconsciente et amnésique. Sans corset. Le corps libre. Et les deux femmes de service qui le savent vont cacher ce détail au policier.
L'escalade vers le sommet de Hanging Rock par les trois jeunes filles se transforme progressivement en élévation spirituelle. En effet, le temps s'est arrêté (les deux montres indiquent midi). Nous sommes donc à un instant où tout est possible. Et les jeunes filles continuent de s'élever alors que la musique du film (Ascent de Bruce Smeaton) les soutient dans leur ascension.
Et plus elles montent, plus elles se débarrassent de leurs entraves : chaussures, bas, corsets. Elles poursuivent toujours leur montée et finissent par disparaître : la liberté absolue !
Et puis il y a Sara (Margaret Nelson). Sara l'orpheline, Sara la pauvre. Pas étonnant qu'elle soit la cible de la directrice (Rachel Roberts). C'est la seule qui ne va pas au pique-nique. Elle doit apprendre un poème qui n'a aucun sens pour elle. Aucun sens poétique pour elle, qui écrit. Et quand elle propose à la directrice de lui réciter son propre poème, elle est rapidement muselée.
Miranda était son amie, son amour. Alors elle va la rejoindre, se libérer elle aussi.
Mais si Miranda s'élevait vers la liberté, Sara y descendra.