« You fucked my wife ? »
Raging Bull, c’est Jake LaMotta (bientôt 95 ans !). Un boxeur. Un vrai. Toujours debout. Jamais tombé. Pour personne.
« You fucked my wife ? »
Ca commence en 1941. Premier combat pro. Défaite. Pas vraiment justifiée, certes, mais défaite tout de même.
« You fucked my wife ? »
Ca se termine en 1964. Dans un club. Il est toujours debout. Il a toujours la rage.
Mais le temps a passé et laissé de sacrées traces.
« You fucked my wife ? »
Cette phrase est devenue culte. Et il y a de quoi : c’est celle de la chute.
Chez Scorsese, je l’ai déjà dit, le héros essaie de s’élever, mais quoi qu’il fasse, il retombe. Tout en bas. D’où il vient. Alors on attend. On regarde Jake (Robert de Niro) monter, monter. Et quand il est au plus haut, il pose cette question à son frère Joey (Joe Pesci) : « You fucked my wife ? »
Et là, c’est le début de la fin. Il perd tout : son titre de champion du monde, son frère, sa femme et ses enfants, et finalement, son prestige, sa fierté.
Mais ce film, c’est avant tout Robert de Niro. Phénoménal. Il est LE boxeur. On a parlé de son tour de force pour tenir ce rôle (prise puis perte de poids). Mais c’est ailleurs qu’il faut voir l’exploit. A partir des mémoires (assez terribles, et surtout sans concessions envers lui-même) du boxeur, il arrive à nous emmener dans ce monde impitoyable de la boxe, où rien n’est écrit, mais surtout où rien n’est clair. Malgré une volonté de réussir sans passer par le système, Jake doit se résoudre à jouer le jeu. Parce que c’est sur un ring qu’il vit. Parce que c’est pour le ring qu’il vit. Et son surnom de « Raging Bull » (taureau enragé), dû à sa combativité peut aussi rappeler les combats de corrida, où le taureau – très souvent enragé – donne tout ce qu’il a afin d’éviter la mise à mort. Et là encore, le taureau est mis à mort dans un match d’une rare violence (pour un match de boxe, c’est dire). L’image résumant le mieux ce combat est celle de la corde ensanglantée où se tenait LaMotta, alors que tout est terminé. Le sang s’écoulant goutte à goutte, noir.
Mais ce film est aussi la création d’un duo qui fonctionnera trois fois pour Scorsese : de Niro-Pesci (Raging Bull, Les Affranchis, Casino). Ils sont complémentaires et indissociables. Le lien qui unit les deux frères LaMotta semble aller au-delà du film. Les retrouvailles entre les deux frères étant un moment fort dans la vie de Jake.
En prime, Scorsese leur adjoint un troisième homme : Frank Vincent. Il sera là pour les deux autres films… Et devra attendre le troisième pour prendre sa revanche sur les personnages de Pesci !
Scorsese a choisi de filmer en noir et blanc. Il donne ainsi du recul par rapport à la violence des combats (surtout le dernier), des images fortes(le sang pisse littéralement), mais aussi du contraste dans le jeu des acteurs. (Cela permet aussi d’intégrer les images réelles de télévision)
La musique enfin est en décalage avec l’action : on entend beaucoup d’extraits de « Cavellaria Rusticana », relativement doux alors que les images de boxe sont très violentes. Ce décalage entre la violence et l’utilisation de musique classique fera l’ouverture de Casino.