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Le Monde de Djayesse

Le Monde de Djayesse

Un peu de tout : du cinéma (beaucoup), de l'actu (un peu) et toute cette sorte de choses [A bit of everythying: cinema (a lot), news (a little) and all this kind of things]

Publié le par Djayesse
Publié dans : #Cinéma, #Western, #Howard Hawks, #John Wayne
La Rivière rouge (Red River - Howard Hawks, 1948)

John Wayne, Walter Brennan et les Carey père (1) et fils : pas de doute, c’est un western.

Et c’est Howard Hawks qui mène le jeu : tout indique un grand film.

 

Et il n’y a pas à dire, c’est un magnifique western. Le premier des cinq qu’il tournera (2).

C’est d’ailleurs un film de premières fois :

La première fois que Montgomery Clift a un premier rôle ; la première fois que Hawks dirige John Wayne ; la première fois (et la dernière) que les Carey sont sur un même film.

Et pour cette première fois, Hawks nous gratifie d’un western légendaire où le manichéisme fréquent dans le genre n’est pas si clair que ça.

Mais il reprend tout de même quelques ingrédients indispensables à une belle aventure : un troupeau gigantesque qui s’affole, donnant une bousculade (stampede) nocturne phénoménale ; un passage de rivière (3) ; des tireurs très adroits et un vieux ronchon (enfin pas tant que ça mais quand même un peu) – Groot (Walter Brennan qui reprendra ce rôle à plusieurs reprises, en particulier dans le fantastique Rio Bravo). Bref, du grand spectacle, de la flamboyance sans le Technicolor ! Le tout avec une pincée de l’humour hawksien.

MAGNIFIQUE !

 

Mais ce film est avant tout une histoire d’amour. Les protagonistes principaux – Tom Dunson (John Wayne), Matt Garth (Monty), Tess Millay (Joanne Dru) et Groot (Walter Brennan) – sont tous impliqués dans une magnifique histoire d’amour.

 

Dunson aime Matt.

Il l’aime comme un père aime son fils. En effet, la séquence d’ouverture nous montre Dunson et Groot quittant une caravane, y laissant l’amour de Dunson, Fen (Coleen Gray), qui succombera lors d’une attaque d’Indiens. Mais alors qu’il perd sa promise, le destin lui envoie le (très) jeune Matt (Mickey Kuhn), qui lui aussi a tout perdu.
Il ne faut pas avoir fait de longues études en psychologie pour comprendre que Tom fera un transfert avec Matt : cet enfant est celui qu’il aurait pu avoir avec la belle Fen. Pour preuve, quand on retrouve Matt adulte, il porte le bracelet que Tom avait donné à Fen avant sa mort.

 

Matt aime Tom.

Il l’aime comme un fils aime son père, même s’il sait pertinemment qu’il n’y a rien de biologique entre eux. Mais surtout, il ne le lui dit pas, parce que c’est ce même Tom qui l’a élevé (avec l’aide de Groot). Mais Tom n’est pas du genre à exprimer ses sentiments, alors encore moins dire qu’il aime Matt, même s’il doit en crever.

Matt aime Tess.

Dès leur première rencontre, on sait que ces deux-là vont finir ensemble. Et ça ne rate pas. D’abord parce que Matt est libre, et aussi parce qu’il n’a pas besoin de lui dire qu’il l’aime : c’est une habitude dans les westerns de montrer des cowboys rudes et avares de paroles, et encore moins quand elles touchent aux sentiments. Et d’une manière générale, on voit rarement dans un western un homme dire à une femme qu’il l’aime : il l’embrasse et  puis c’est tout. De toute façon, vu l’éducation à laquelle a pu lui pourvoir Dunson, il y a fort à parier qu’il ne sait pas le dire.

 

Tess aime Matt (et aussi Tom, mais ce n’est pas pareil).

Comme toujours chez Hawks, il faut «  chercher la femme ! » Celle-ci est dans la lignée des précédentes. C’est une battante : elle ne craint pas de traverser une partie des Etats-Unis pour arriver à ses fins, voire à accompagner Dunson pour retrouver son Matt.

Mais comme c’est une femme de chez Hawks, c’est elle qui mène la danse.

Avec Tom d’abord : elle ne va pas se laisser abandonner une deuxième fois. Elle veut Matt et elle est bien résolue à le récupérer. Et Dunson, malgré son côté autoritaire,  ne pourra rien y faire. Elle viendra.

Avec Matt ensuite, quand elle interrompt leur discussion finale. Ca la bouffe de les voir se chicaner ainsi (il n’y a pas d’autre mot). Et c’est par dépit qu’elle intervient, ne pouvant vraiment plus supporter ces amours larvées, latentes : il est temps qu’ils assument ce que la vie a fait d’eux, des parents putatifs. Tom et Matt sont une famille, qu’ils le veuillent ou non. Et c’est d’autant plus une famille solide: si habituellement on ne choisit pas sa famille, eux se sont trouvés, et leur lien n’en est que plus fort.

 

Enfin, Groot aime les trois autres.

Tess, c’est normal, comment ne pas la trouver à son goût ? Et c'est parce qu'il sent qu'elle peut faire partie de leur famille qu'il lui raconte l'histoire des deux autres hommes de sa vie. Mais pour Matt, c’est différent. Il l’a élevé avec Tom. Et comme Tom est un homme rude, Matt avait besoin d’une figure plus maternelle pour se développer. Et Groot est cette figure maternelle. Et d’une certaine façon, Tom et Groot forment un couple. Ils ont vécu de grandes choses et Matt est l’aboutissement (plus que l’élevage) de ce qu’ils ont pu faire ensemble. Mais là encore, ce sont deux fortes têtes qui ne veulent jamais avouer leurs sentiments, alors à moment ça doit éclater. Ou plutôt ça devrait, parce que ça n’éclate jamais. Et au moment où Matt abandonne Dunson pour continuer seul, Groot le suit, après que Tom lui ait dit de s’en aller. Tous les deux savent que c’est la meilleure chose à faire, mais aucun des deux ne voudra le reconnaître. Alors, pour la galerie Tom chasse Groot, et Groot l’en remercie, comme ça il n’a pas besoin de demander à partir (3)…

 

Mais si ce film est un western, on peut aussi le qualifier de road-movie. En effet, nous assistons à une longue chevauchée entre deux états, avec en fin de parcours un changement pour les principaux protagonistes. Matt va grandir et gagner sa place auprès de Tom. Il va vraiment devenir son fils (et héritier). Quant à Tom, il va mûrir et enfin comprendre qu’il doit laisser vivre Matt selon son envie, le laisser faire ses choix (et les respecter, cela va sans dire).

 

 

  1. Harry Carey Sr. ne verra pas la sortie du film : il meurt le 21 septembre 1947 (un an avant, quasiment  jour pour jour).
  2. Howard Hughes a finalement choisi de ne faire apparaître que son nom pour Le Banni.
  3. Celle du titre !
  4. C’est bien compliqué tout ça, non ?
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