« J'ai une gueule à faire l'amour avec des souvenirs ? » Clara (Arletty) dans Le Jour se lève.
C’est à cette réplique que j’ai pensé une fois le film terminé. Il faut dire que ce que Prévert avait entrevu, Lisa Joy l’a fait !
Mais reprenons.
Nous sommes plus tard, quand la mer a envahi la terre, quand les gens ont les pieds dans l’eau, et quand les riches – toujours eux – jouissent d’endroits retirés constitués exclusivement de terre, sans pied dans l’eau. Un véritable pied-à-terre, donc.
Nick Bannister (Hugh « Wolverine » Jackman), après quelques années de guerre (la catastrophe a amené une nouvelle guerre totale, bien sûr), a mis au point un appareil qui permet de voyager (presque) physiquement dans sa mémoire. Il vend donc des souvenirs heureux.
Un soir, Mae (Rebecca Ferguson) débarque dans son échoppe : elle veut qu’il l’aide à retrouver ses clefs qu’elle a égarées. C’est le coup de foudre.
Mais c’est aussi là que bascule la vie de Nick, vers un terrible cauchemar, un de ces souvenirs qu’on préfère oublier…
Pas mal. Pas extraordinaire, mais quand même pas mal. L’utilisation du réchauffement climatique est intéressante, mais malheureusement, je trouve qu’elle manque un tantinet de réalisme. En effet, alors que certaines parties de villes (américaines, bien sûr) surnagent et que des gratte-ciel ont plus que les pieds dans l’eau, on remarque une activité électrique tout aussi importante qu’aujourd’hui. Vous me direz, c’est normal, avec les panneaux photovoltaïques et autre éoliennes (qu’on ne voit à aucun moment, d’ailleurs), on peut continuer à produire de l’électricité.
Mais le plus gênant, à mon avis, c’est l’importance des voitures qui sont toujours en circulation, même si les roues sont rarement sales puisque toujours humides. Alors nous sommes dans une période post-apocalyptique mais qui ressemble encore beaucoup (trop) à ce que nous connaissons.
Mais malgré cette révolution sociale maritime, le scénario reste essentiellement sur Nick et sa relation avec Mae d’un côté – la femme qu’il aime – et sa collaboratrice Watts (Thandiwe Newton), une ancienne de la guerre elle aussi. Deux histoires d’amour (presque) à sens unique. Et le trio qui l’interprète est à la hauteur, passant du rêve à la une réalité avec bonheur, donnant le change par rapport aux objections émises plus haut.
Mais il manque un petit quelque chose pour en faire un grand film, et c’est peut-être du côté obscur qu’on va le trouver. Ou plutôt pas assez le retrouver : si méchant il y a – et il y en a un – il n’est pas assez bien caractérisé. En clair, il n’est pas vraiment réussi. On aurait aimé quelque chose de plus fort le mettant en valeur. Et la dernière réplique que lui lance Nick résume assez bien ce que j’en pense (1).
Pour le reste, on aurait aimé une intrigue dénonçant un peu plus les dérives – inévitables – d’un tel procédé : l’utilisation des souvenirs par la Justice en est une illustration mais cela ne va pas assez loin. De même l’utilisation criminelle possible n’est là encore que survolée.
Bref, à chaque fois, il manque un petit quelque chose pour aller plus loin dans cette histoire et arriver à un univers aussi angoissant – et magnifiquement bien défini – que celui de Minority Report, dont l’apparentement me semble évident.
Mais voilà. Ca n’y est pas. On peut imaginer que comme c’est le premier long-métrage de Lisa Joy, c’est une erreur de débutante. Seul son prochain film pourra nous le dire…
- Non, je ne vous dirai rien. Voyez le film.