Robert Montillon (Daniel Gélin), jeune homme « disponible » empêche l’homme d’affaire Eric Fréminger (Peter van Eyck), ivre, de se faire écraser. Entre eux deux se crée un lien : Eric propose à Robert d’être son « secrétaire ».
La vie de Robert vient de basculer.
Très peu de temps après, Eric annonce à son épouse Hélène (Michèle Morgan) qu’il va se suicider et qu’elle va toucher le gros lot de l’assurance-vie. Sauf que cette même assurance-vie a une clause rédhibitoire : le suicide est exclus pour toucher le jackpot.
Il va falloir maquiller cela en meurtre.
Pendant que la Nouvelle Vague (hum !) s’installe (1), le « cinéma de papa » continue de bien se porter, mettant en vedettes des valeurs sûres (Morgan, Gélin, Blier) dans une intrigue empruntée à James Hadley Chase qui ne manque ni de subtilité ni de piquant. On retient bien sûr l’aspect amoral du challenge que doivent relever Hélène et Robert : faire passer un suicide pour un meurtre n’est pas une mince affaire, surtout quand on se fait prendre.
Parce que bien sûr, ça ne peut pas marcher : nous sommes encore dans les années 1950 et il n’est certainement pas question de faire réussir un tel projet.
Et c’est aussi là tout l’intérêt du film : comment vont-ils se faire prendre ? J’espère ne rien révéler d’important en l’écrivant, le titre me semblait tout à fait éloquent : si l’appât du gain – les 300.000.000 de Francs (toujours plus impressionnant en chiffres !) de l’assurance-vie – est somme toute naturel, il y aura obligatoirement un prix à payer qui se traduit par ce « retour de manivelle ». Et croyez-moi, il est à la hauteur des espérances du spectateur.
Et à l’instar du Taxi pour Tobrouk qu’il réalisera quatre ans plus tard, Denys de la Patellière émaille son film à tendance sérieuse d’un humour de bon aloi, accentué par le « retour de manivelle » (encore lui), basculement final qui scelle définitivement les différents destins (2).
Avec ce film, Denys de la Patellière commence véritablement à se faire un nom dans le cinéma français : son film est un succès (mérité), interprété par un duo de qualité. Michèle Morgan se retrouve dans un rôle un tantinet décalé par rapport à ce qu’on a connu auparavant, bien loin de la jeune Nelly du Quai des Brumes qui l’avait révélée. Rassurez-vous, elle possède toujours, vingt ans après, le même pouvoir de séduction, mais elle possède une autre dimension qu’on ne devinait pas alors. Normal, elle a mûri. Daniel Gélin, de son côté, est le héros chasien par excellence : il interprète avec beaucoup de justesse ce personnage sans le sou qui se retrouve mêlé à une histoire de cadavre sans l’avoir cherché.
Et puis il y a Blier : il est le commissaire important qui va résoudre l’affaire. Enfin, c’est sa version : le spectateur sait lui, ce qu’il s’est vraiment passé et se moque bien des déductions de ce policier somme toute ridicule, pour qui les évidences sont des preuves.
Bref, on s’amuse, on a plaisir à suivre cette intrigue – improbable, nous sommes au cinéma que diable ! – menée de main de maître avec un souci du détail que ne renierait pas Hitchcock (la prise de courant), jouant aussi avec l’éclairage de façon pertinente.
Bref, du cinéma comme je l’aime.
Et quand le film se termine, une question me vient tout naturellement : les gesticulations de quelques critiques de cinéma plus ou moins frustrés étaient-elles vraiment nécessaires ? (3)
J’allais oublier : ce sont les débuts de Michèle « Angélique » Mercier (Jeanne). Et d’ailleurs Michel Audiard la gâte :
Robert : vous êtes jeune et jolie, je ne suis sûrement pas le premier à vous le dire.
Jeanne : On me le dit à chaque coup.
Robert : Ah !
Jeanne : Je veux dire à chaque fois.
- Le film sort en août et Françoise Giroud parlera de ce mouvement en octobre.
- Ne comptez pas sur moi pour vous révéler quoi que ce soit.
- Oui, j’ai beaucoup de mal avec la Nouvelle Vague qui est au cinéma ce que la Nouvelle Cuisine est à cet autre art : c’est peut-être beau et fin, mais à l’arrivée, on retourne vers des valeurs sûres et plus consistantes.