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Le Monde de Djayesse

Le Monde de Djayesse

Un peu de tout : du cinéma (beaucoup), de l'actu (un peu) et toute cette sorte de choses [A bit of everythying: cinema (a lot), news (a little) and all this kind of things]

Publié le par Djayesse
Publié dans : #Cinéma, #Western, #Howard Hawks, #John Wayne
Rio Bravo (Howard Hawks, 1959)

Un homme entre dans un saloon. Il est mal à l’aise. Il a soif. C’est un alcoolique. Il lorgne chaque verre qui passe à sa portée, malheureux de ne pouvoir en prendre un : il n’a pas d’argent. Mais un homme comprend son malaise et lui lance un dollar. Dans le crachoir.

Notre homme se baisse pour le ramasser : un pied l’empêche.

Et à partir de là, tout bascule.

Résultat : un mort et un homme en prison.

 

La séquence d’ouverture est un joyau de cinéma. C’est une scène où presque pas de morts sont échangés : un emprunt lumineux au cinéma muet où seuls les bruits courants se font entendre. Ce ne sont que gestes simples mais compréhensibles, sans tomber dans un mime outrancier. Du très grand art.

Il faut attendre la fin de la cinquième minute pour entendre une voix distincte : c’est celle de John T. Chance (John Wayne), shérif de Presidio (Texas). L’homme alcoolique, c’est son adjoint, Dude (Dean Martin). Le tueur, c’est Joe Burdette (Claude Akins), le frère de Nathan Burdette (John Russel), un propriétaire terrien peu scrupuleux et qui ne s’embarrasse pas des lois.

 

Dès lors, l’intrigue est simple : garder le prisonnier enfermé jusqu’à l’arrivée d’un représentant de l’Etat – un Marshall, l’Arlésienne* du film – et éviter de se faire tuer par le frère et ses acolytes.

Mais si c’était aussi simple, ce ne serait pas intéressant. Chance doit composer avec son adjoint alcoolique aux mains tremblantes et avec un autre homme : Stumpy (Walter Brennan), un vieux paysan reconverti en adjoint, à la gâchette facile et la jambe boiteuse.

 

La présence de Walter Brennan au côté de John Wayne nous rappelle celle de La Rivière rouge : mais si Groot avait un rôle important dans ce film, ici il est plus en retrait : physiquement, car il est pratiquement tout le temps dans le couloir des cellules, et moralement car il n’y a pas de liens aussi forts et à la limite du familial dans cette intrigue. Et finalement Stumpy est plus un élément comique détendant l’atmosphère. Et il ne faut jamais oublier l’aspect comique des films de Hawks. C’est d’ailleurs avec lui qu’a lieu la séquence musicale où  deux voix célèbres vont chanter ensemble une de ces ballades de l’Ouest, accompagné par ce même Stumpy à l’harmonica : Dean Martin et Ricky Nelson (Colorado).

A propos de Ricky Nelson, son rôle bien que pertinent n’est pas la véritable raison de sa présence : il plaisait aux femmes et avait une belle voix, deux arguments importants pour la Warner qui tira un gros bénéfice du film.

Cette scène musicale est une pause bienvenue dans une atmosphère qui rappelle celle d’un huis clos étouffant. Pendant quelques minutes, les quatre hommes échangent un moment fort où le sourire est de mise et où les soucis semblent, un temps, oubliés.

Cette pause permet aussi au spectateur de se préparer à l’assaut final indispensable et évidemment attendu dès l’entrée en scène de Nathan Burdette.

 

Et puis il y a les femmes**. Elles sont deux : Consuela (Estelita Rodriguez) et Feathers (Angie Dickinson).

Consuela, c’est la femme de Carlos (Pedro Gonzalez-Gonzalez), le propriétaire de l’hôtel qui fait aussi saloon. Mais si Carlos dirige l’hôtel, c’est tout de même Consuela qui dirige la maison. C’est une femme ténébreuse et qui a la main leste : Carlos en porte les stigmates visibles (œil au beurre noir).

Feathers, au contraire, est plus subtile, même si elle a la même force de caractère (comme toute héroïne hawksienne). Ce n’est pas une femme facile, même si elle joue de son charme pour arriver à ses fins. Et ici, son but, c’est Chance. Chaque rencontre est un duel où Chance perd à chaque fois un peu plus de son avantage, avant tout physique. Il y a toute une progression dans la provocation (soft, on est en 1958 quand le film est tourné) qui vont ébranler Chance jusqu’à réussir complètement son objectif : il lui tombe dans les bras.

 

Mais si Chance succombe définitivement au charme de Feathers, le grand gagnant du film reste Dude. Alcoolique en phase quasi terminale, il va peu à peu gagner sa rédemption*** et redevenir l’homme qu’il a été. Et cette renaissance progressive s’accompagne d’une complicité de plus en plus forte entre Dude et les autres, jusqu’à culminer à la scène musicale décrite plus haut.

Et en plus, cette progression s’accompagne de quelques éléments comiques dont l’un d’eux va tout de même se retourner contre nos héros : le bain de Dude.

Car c’est ce bain qui va précipiter les choses et amener le dénouement tant attendu.

 

 

* Ou Godot, ça dépend de vos (p)références...

** Ne jamais oublier de « chercher la femme » chez Hawks.

*** Que voulez-vous, on en revient tout le temps au même…

 

P.S. : c’est aussi le dernier film de Ward Bond (Pat Wheeler, l’employeur de Colorado) qui mourut l’année suivante.

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