Le rollerball est un jeu très simple : il y a une boule d’acier qui file, vous la ramassez et la placez dans l’en-but.
Quelques précisions tout de même : les joueurs sont en patin à roulettes ou en moto et progressivement tous les coups sont permis. Bref, un sport hybride rassemblant le pire côté d’autres très en vogue aux Etats-Unis : le football et le hockey.
Le pire côté ? La violence.
Mais reprenons.
Jonathan E. (James Caan) est un joueur de rollerball mondialement célèbre et célébré. En pleine gloire et en pleine ascension de son équipe (Houston), on lui demande de prendre sa retraite. Ne comprenant pas la raison de cette demande, il décide de continuer. On va alors modifier progressivement les règles dans le seul but inavoué : se débarrasser de ce joueur désobéissant.
« On » ? Les différentes corporations (énergie, nourriture…) qui dirigent le monde.
Nous sommes en 2018 et les corporations ont pris le pouvoir après une guerre dont il est difficile d’avoir des informations.
Nous sommes donc dans un futur proche (de la sortie du film) et qui pour nous spectateurs est déjà du passé, un passé parallèle, bien sûr, mais en regardant de plus près, on peut tout de même se poser la question ? Est-il si éloigné de nous ?
Lors de ma première vison du film, c’est la violence qui m’avait choqué, laissant de côté l’aspect anticipation du film. Aujourd’hui, si la violence reste omniprésente, c’est l’aspect visionnaire de l’intrigue qui retient le plus mon attention : ce monde d’abondance, s’il reste marqué dans les années 1970, est avant tout une projection pas tellement éloignée de notre monde actuel. En effet, la mainmise actuelle des multinationales sur l’économie mondiale, dictant plus ou moins ouvertement aux différents gouvernements les décisions à prendre n’est pas très éloignée de ces conglomérats (corporations) sectorielles qui dirigent ce monde de plaisirs qui se repaît d’une violence gratuite portée par ce sport extrême.
Mais le véritable enjeu de l’intrigue, c’est la liberté aliénée aux profits de l’aisance et du confort, ce dernier étant le souverain bien dans cette société au bout du compte déshumanisée. Et c’est ce que va découvrir Jonathan, à partir d’une simple demande : un livre pour avoir des explications sur la guerre des corporations qui a eu lieu et a amené l’état politique de son monde.
Et quel monde !
Sur certains aspects, il ressemble à celui de The Sleeper (Woody Allen, 1973) la dimension comique en moins, où le plaisir et l’oisiveté sont les bases qui permettent de contrôler le peuple. S’ajoute ici ce sport d’une violence extrême qui accentue le pouvoir des corporations, permettant aux gens un exutoire qui les détourne de ce qui devrait être leur principale préoccupation : leur liberté.
Le rollerball, c’est une version moderne des jeux du cirque, dont le terrain de jeu est similaire à une arène. Les spectateurs viennent se repaître de la violence générée par ce drôle de sport comme les Romains venaient voir mourir des gladiateurs. Et cet appel à la mort s’exprime encore plus clairement lors de la finale qui voit s’affronter Houston et New York, le public new-yorkais appelant sans équivoque à la mort du champion Jonathan.
Et ce parallèle romain est exploité hoirs de l’arène : la soirée à laquelle sont conviés Jonathan et son coéquipier Moonpie (John Beck) (1) : c’est une soirée de plaisir (boisson, drogue, sexe) où s’ébat une société de désœuvrés dont l’amusement suprême est de mettre le feu à des arbres.
Et comme beaucoup de films d’anticipation de cette période (Soleil Vert, Orange mécanique…), c’est avant tout le monde dans lequel sort le film qui reste la base de cette anticipation. Les décors sont ceux qu’on peut trouver dans les films « actuels » de l’époque, les bâtiments ne sont pas des maquettes (ici on reconnaît le village olympique de Munich) et cette société n’est qu’un avatar possible de ce que peut devenir celle de 1974-75, où le choc pétrolier n’a pas encore eu les répercussions qu’on connaît, et la crise ne s’est pas encore installée.
Le film reçut un accueil mitigé, ce qui peut se comprendre : la violence y est omniprésente et à la différence de l’Orange mécanique de Kubrick, n’est pas chorégraphiée. Mais surtout, le monde totalitaire (2) qui est proposé est beaucoup plus insidieux que celui de Soleil vert, voire plus réaliste, au vu de la véritable situation de 2018.
Un film à (re)découvrir.
- Il est amusant de noter aussi la présence de John Beck dans le film de Woody Allen.
- Autre indicateur de ce régime, la police de caractère unique qu’on retrouve sur n’importe quelle inscription, des noms de lieux, de direction ou les chiffres utilisés sur les maillots des joueurs.