« Une bible et un fusil » font bien sûr référence à l’histoire des Etats-Unis, ces deux attributs ayant permis de conquérir le territoire et surtout de civiliser ses autochtones : la conversion ou la mort étant parfois les seules alternatives laissées aux Indiens.
Mais dans le cas de ce film, Rooster Cogburn – qui est le titre en VO en référence à son marshal borgne (John Wayne) – hérite d’une bible et d’un fusil en la personne de Eula Goodnight (Katharine Hepburn), fille du révérend Goodnight (John Lomer) abattu par les hommes qu’il poursuit, et en particulier leur chef Hawk (Richard Jordan), méchant estampillé.
Si on peut parler de crépusculaire, ce n’est pas pour qualifier ce western – qui reste à mon humble avis très traditionnel – c’est surtout en ce qui concerne John Wayne qui interprète ici son avant-dernier rôle, retrouvant son personnage de True Grit (Henry Hathaway, 1969).
Mais tout l’intérêt du film, cette fois-ci, c’est l’opposition entre Rooster et Eula, deux fortes personnalités d’un âge avancé (1), aux mœurs bien entendu antithétiques, mais qui vont se découvrir et s’apprivoiser.
Si John Wayne retrouve un personnage familier, il en va de même de Katharine Hepburn car Eula Goodnight n’est pas sans rappeler Rose Sayer dans The African Queen presque 25 ans plus tôt.
La similitude de leur activité – la Mission – aidant à ce rapprochement, et l’homme avec qui elle se trouvent confrontées – Charlie Allnut (Humphrey Bogart) et Cogburn Rooster – sont tous les deux revenus des femmes. Ici s’arrête la parallèle, l’enjeu étant très différent.
Autre élément qui rappelle l’âge de Wayne, c’est ce que lui reproche le juge Parker (John McIntire), c’est que l’Ouest a changé, mais pas lui. Mais ce reproche s’adresse bel et bien à Rooster et non plus aux autres personnages que Wayne a pu interpréter.
Rooster est très différent des autres parce qu’il n’a plus le même raisonnement par rapport aux Indiens qu’il a pu beaucoup tuer autrefois avec ou sans John Ford : Rooster est rentré dans le rang après la défaite du Sud (1865) et travaille maintenant pour le gouvernement yankee. Rooster est au final devenu un peu humaniste, même si ses pratiques elles, sont toujours les mêmes : la première séquence le voit abattre 3 hommes. C’est essentiellement ça que lui reproche Parker : nous sommes en 1880, et l’Ouest sauvage n’est plus (2), et la justice sommaire basée sur la vengeance ou le Talion a fait long feu.
Quoi qu’il en soit, nous assistons ici à une rencontre de deux géants du cinéma : Hepburn et Wayne (3), dans des rôles forts et complémentaires.
Bien sûr, Eula est la plus forte : non seulement elle a réponse à tout – pas toujours en évoquant quelque référence biblique – et en plus, elle sait tirer, et surtout juste!
Ce qui commence par un affrontement abrupt avec deux caractères bien trempés ainsi qu’un mode de vie fort différent, sans parler de leurs origines (elle est du Nord, lui du Sud). Mais comme je le disais plus haut, le temps et la vie commune vont les rapprocher, ce qui est logique parce qu’ils ne sont pas si différents l’un et l’autre : elle compte sur sa bible et un petit peu sur son fusil pour se sortir des situations dangereuses ; lui, c’est le contraire, son fusil d’abord, et à la grâce de Dieu ensuite.
Ce rapprochement programmé va donner lieu à de très belles envolées quand leur destin se scelle et qu’ils savent que ce qui les attend peut être très dangereux voire mortel. On assiste alors à deux répliques qui ont tout de la déclaration d’amour. Bien sûr, leur orgueil – et leur âge ? – les empêche de s’embrasser, mais on sent tout de même qu’il passe entre eux quelque chose qui va tout de même au-delà de la sympathie voire de l’amitié.
Mais il en va de Cogburn Rooster comme de n’importe quel autre cowboy solitaire : à la fin, ils se retrouvent seuls. Mais cette fois-ci, c’est elle, qui part vers l’horizon.
- Quand le film sort, Wayne a 68 ans et Hepburn « seulement » 66…
- Nous sommes après L’Homme qui tua Liberty Valance.
- C’est d’ailleurs la seule fois qu’ils ont partagé la vedette.