D’un côté Claire (Isabelle Carré) ; qui a été victime d’un coup de foudre (1) et qui a tendance à oublier des choses.
De l’autre, Philippe (Bernard Campan), qui a tout oublié suite à un accident de voiture qui a tué sa femme et son fils (2).
Ils se rencontrent. Ils s’aiment.
Philippe a la mémoire qui lui revient.
Claire oublie de plus en plus.
Vingt ans après son premier rôle au cinéma, Zabou Breitman passe derrière la caméra. Et pour un premier essai, c’est une belle réussite qui nous est proposée ici. A partir d’un scénario difficile – la maladie d’Alzheimer – elle réalise un film tout en subtilité, filmant avec beaucoup de retenue deux destins qui vont se croiser, l’un qui monte pendant que l’autre descend.
C’est un film très touchant, où Zabou prend le temps de filmer cette lente progression vers l’inéluctable oubli. Parce que nous savons très vite que Claire va décliner : sa mère a été emportée par cette maladie terrible et même son jeune âge ne pourra pas l’empêcher de suivre ses traces. On en vient alors à se demander s’il y a vraiment eu un coup de foudre.
Mais cet accident sert l’intrigue et la rapproche alors de Philippe, autre accidenté de la vie. Et c’est ce rapprochement qui fait tout le sel de cette histoire tragique mais très belle : c’est la mémoire qui les lie et qui est l’enjeu de leur aventure amoureuse qui prend son essor au moment où ils quittent l’institution qui les a rassemblés pour vivre ensemble.
C’est cette installation qui fait basculer le film dans la tragédie, sans pour autant tomber dans le pathétique. Si l’état de santé de Claire se détériore de plus en plus, ce n’est pas pour elle une tragédie : elle reste heureuse et semble apprécier ce qu’est devenue sa vie, entre réalité et fantaisie.
Et la force de ce film est de nous montrer cette détérioration progressive, et ce malgré les différents artifices mis en place pour lui permettre de continuer à avoir une vie normale : pense-bêtes, alarmes régulières qui rythment son programme de journée… Mais même malgré ces différentes dispositions, la maladie progresse toujours et va finir par la rattraper définitivement : l’achat de la baguette est l’illustration parfaite des limites de ce que Philippe peut faire pour l’enrayer. Quant à la dernière séquence après l’orage, elle conclut avec encore beaucoup de subtilité cette histoire hautement tragique qui n’est jamais véritablement présentée comme telle : jamais on ne plaint ce des êtres qui s’aiment malgré tout.
Et le film est servi par une très belle interprétation, le duo Carré-Campan en tête. Isabelle Carré est – encore une fois – magnifique dans cette composition difficile où le piège aurait été de tomber dans le surjeu : c’est par petites touches qu’elle va nous montrer le déclin de Claire, de ses absences passagères jusqu’à l’oubli total de ce qu’est (était ?) vraiment sa vie. Et l’utilisation ponctuelle d’une caméra subjective accentue le décalage entre ce que nous voyons et ce qu’elle peut ressentir.
Quant à Bernard Campan, il est là où on ne l’attendait pas : cantonné à des rôles comiques du fait de son passé aux Inconnus, on n’aurait pas imaginé qu’il fût capable d’émouvoir autrement qu’en faisant rire (3). Il campe un « beau homme » tout en nuance qui comprend, à ses dépens l’enjeu de sa relation avec Claire : ce qu’il gagne en mémoire et qui va lui ramener sa véritable identité, c’est ce que Claire est en train de perdre. Et surtout, il comprend bien qu’il n’y aura pas de retour en arrière possible pour elle.
Et c’est là qu’est la véritable tragédie.
- Un vrai, pendant un orage.
- Qui les a tués ? Philippe ou l’accident ?
- Je sais, il est plus facile de faire pleurer que de faire rire. Il n’empêche.