1876.
Custer vient de tomber à Little Big Horn. C’est un coup dur pour l’armée des Etats-Unis, et en particulier pour les hommes du 7ème de cavalerie commandés par le capitaine Brittles (John Wayne) à qui il reste moins d’une semaine avant la retraite (fort méritée bien sûr).
Mais les troublés générés par la défaite a mis les Indiens en effervescence, et le commandant Allshard (George O’Brien) envoie Brittles accompagner à la diligence les femmes du fort : sa femme Abby (Mildred Natwick) et sa nièce Olivia Daindridge (Joanne Dru).
Cette dernière, pendant tout le trajet porte un ruban jaune (1) dans ses cheveux, signe qu’elle est amoureuse d’un des hommes : le premier lieutenant Cohill (John Agar), ou le second lieutenant Pennell (Harry Carey Jr.) ?
Il s’agit ici du second volet de la trilogie que John Ford accorde à la cavalerie américaine (US Cavalry), situé entre Fort Apache et Rio Grande.
Après la déroute militaire du précédent film, Ford redore un peu le blason de ce corps d’armée, s’appuyant sur John Wayne et quelques habitués du cinéma de Ford : outre les acteurs déjà cités, on retrouve Arthur Shields (le docteur), Francis Ford (le barman) et Victor McLaglen (Quincannon), sans oublier le fidèle Jack Pennick qui n’apparaît que dans la scène finale. Il ne manque que Ward Bond !
Pour le reste, on retrouve les éléments chers au réalisateur : l’Amérique qui se construit, un microcosme peuplé de personnages de caractère, la famille et bien sûr une bonne bagarre. Le tout au milieu de Monument Valley. Bref, du grandiose !
Et fait de charge héroïque, on pouvait s’attendre à du plus spectaculaire. En effet, la seule charge à laquelle nous assistons – à la fin, apothéose d’une certaine façon de la carrière de Brittles – ne comporte aucun mort ni le moindre blessé, ce qui semble tout de même étonnant quand on se souvient du sort de Custer. On aurait pu imaginer une expédition punitive, histoire de venger les morts de Little Big Horn.
Mais si cette charge est héroïque, c’est surtout parce qu’à aucun moment, on ne voit un Indien tué. La dernière charge de Brittles est avant tout une magnifique manœuvre pacifiste : il est parfois des gestes plus héroïques que de mourir à la guerre.
De plus, l’échange qui se tient peu avant cette charge voit Brittles parlementer avec Poney That Walks (Chief John Big Tree, autre familier des films de Ford et autres westerns) : ce sont deux amis qui s’aiment et qui déplorent la guerre à venir. D’une certaine façon, Brittles reste fidèle à son mai, évitant un bain de sang inutile (2).
Si la cavalerie est avant tout un milieu d’hommes, encore une fois Ford y greffe des femmes au caractère bien trempé : la jeune Olivia n’est pas une frêle jeune fille, comme on pouvait s’en douter (on est chez Ford, je rappelle), la plus forte reste tout de même Abby, la femme du commandant du camp. Et Mildred Natwick, qu’on avait aperçue dans Three Godfathers, revient avec panache, menant le sergent Quincannon vers la prison militaire sans une protestation, lui qui vient d’en découdre avec sept soldats qui n’ont pas pu l’arrêter. C’est d’ailleurs une (autre) belle bagarre que nous propose là Ford : Victor McLaglen s’en donnant à cœur joie avec Francis Ford, buvant et frappant sans retenue. Bref, on est en plein territoire (avec deux R) connu et on s’y sent bien.
Et puis il y a John Wayne, un peu différent des autres rôles qu’on lui connaît. C’est tout d’abord un homme seul et triste : sa femme l’a quitté près de 10 ans plus tôt, et il ne peut s’empêcher d’aller lui parler régulièrement, au cimetière du fort.
C’est aussi un homme qui a vieilli, comme le soulignent se cheveux blancs (3), et sa gêne quand il sort ses lunettes pour lire.
Il termine son service – 40 ans annonce-t-il – et a beaucoup de mal à l’accepter. Lors de ses adieux officiels, on sent une émotion dans l’attitude et la voix du Duke.
Un grand western qui démontre encore une fois l’admiration qu’avait John Ford pour ce corps d’armée, glorifiant aussi ces soldats qui furent ennemis à un moment de leur carrière (Guerre de Sécession), mais qui ont surmonté leurs antagonismes pour faire de ce pays un grand et beau pays : l’un d’eux est enterré avec le drapeau de la Confédération ; Tyree (Ben Johnson) mentionne Lee sur le plan que Sheridan, Sherman et Grant…
Mais tous ont cette même fierté d’appartenir à ce glorieux 7ème.
Une dernière chose encore : la musique de Richard Hageman, sur la base de la chanson traditionnelle du XVIIème siècle, égrène aussi quelques classiques du folklore américain comme the Battle Hymn of the Republic et bien sûr l’incontournable Garryowen, hymne du 7ème de Cavalerie.
- D’où le titre original : « elle portait un ruban jaune. »
- En existe-t-il des utiles ?
- John Wayne a alors 42 ans quand le film sort.