Encore un chef-d’œuvre !
« De la musique, encore de la musique, toujours de la musique. »
Mais surtout, du cinéma. Du vrai.
Voici – à mon avis – la meilleure mise en abîme sur le cinéma. Tout y est : de l’élaboration d’une histoire jusqu’à la première !
Nous avons les tournages de films d’action avec les recréations en studio de scènes à grand spectacle : attaque de train, bagarres…
Nous trouvons aussi la création d’une atmosphère sentimentale dans un immense hangar : un fond de ciel peint, quelques lumières, un ventilateur géant, et nous sommes dehors, au coucher du soleil…
Et puis les tracas de l’arrivée du parlant : les fils qui traînent, la difficulté de jouer et parler, ceux qui ne pensent pas au micro, et surtout les voix qui ne passent pas !
Et ici, Donen et Kelly ont réussi une comédie sur une période extrêmement dramatique du septième art : l’arrivée du parlant. Et pour paraphraser Don McLean dans American Pie : « Le jour où le cinéma est mort. »
Avec l’arrivée du parlant, c’est tout un pan de l’industrie cinématographique qui a disparu, qui a été oublié, relégué aux archives, voire détruit. Et avec l’avènement du son, ce sont des acteurs et actrices qui ont disparu, John Gilbert étant un exemple célèbre (avec, en prime pour Gilbert, la haine farouche de Louis B. Mayer qui a précipité sa chute).
Deplus, le thème est traité avec humour et on se réjouit des soucis de production d‘un parlant.
Il y a surtout les morceaux musicaux, avec en point d’orgue le numéro de danse entre Gene Kelly et Cyd Charisse. C’est certainement le moment le plus fort du film et en plus, il est muet ! Il se dégage une sensualité rare et une émotion intense. Et pas seulement à cause des jambes de Cyd Charisse !
Et si Gene Kelly est extraordinaire dans le rôle très complet de Don Lockwood – il joue, il chante, il danse ! – il ne faut pas sous-évaluer les rôles de deux autres protagonistes : Donald O’Connor et Jean Hagen :
- Donald O’Connor donne magnifiquement la réplique à Gene Kelly, mais surtout le complète admirablement dans les divers numéros dansés. Il est en outre inoubliable dans la séquence Make 'Em Laugh, où, en plus de chanter, il accomplit de véritables prouesses physiques.
- Jean Hagen est merveilleusement idiote. Elle joue à la perfection l’actrice balayée par l’arrivée du parlant. Mais sa bêtise alliée à sa méchanceté ne la font pas passer pour une victime. Et puis sa voix criarde et son accent populaire la rendent particulièrement ridicule, à nos yeux comme aux yeux des spectateurs de son film. (C’est bien connu, il faut être drôlement intelligente pour jouer un rôle d’idiote !)
L’époque est aussi bien recréée :
- Les premières où les invitées rivalisaient d’extravagance vestimentaires, et où le public était hystérique ;
- la mode s’affiche (surtout) dans la séquence Beautiful Girl où le chanteur n’est pas sans rappeler Maurice Chevalier ;
- La prohibition est suggérée dans la séquence Broadway Melody, où Gene Kelly, dans un speakeasy, rencontre un gangster balafré (tiens, tiens !) ;
- L’arrivée du parlant nous inonde d’images illustrant les films présentés à cette époque, mais cette fois-ci, ils sont en couleur, ce qui peut nous donner une idée de ce qu’étaient ces films que nous ne connaissons qu’en noir et blanc.
Enfin, il y a la scène titulaire : quand Gene Kelly chante Singin’ in the Rain en s’amusant avec et dans l’eau ! Un grand moment. Encore.
Un film indémodable.