Je commencerai par une précision :
Non, Blanche Neige n’est plus celle du conte des frères Grimm. Toute la symbolique sexuelle entourant sa naissance (1) a été évacuée, d’autant plus que le Code Hays était assez clair sur ces questions-là.
Alors c’est vrai que l’histoire de Blanche Neige sans les symboles peut paraître bien terne.
Mais il était temps aussi de rendre cette histoire attirante pour les petits et les grands.
Alors ne boudons pas notre plaisir. Pour les acharnés qui veulent absolument la vraie histoire, je les renvoie au livre originel.
On commence donc avec la méchante reine [Lucille La Verne (2)] jalouse de sa belle-fille (Adriana Caselotti).
Ceci étant dit, on peut passer aux choses sérieuses. Avant tout, cassons le mythe qui dit que ce film est le premier long métrage d’animation. C’’est archi-faux allez consulter n’importe quelle encyclopédie du cinéma digne de ce nom. Il ne s’agit pas non plus de la première adaptation de Blanche Neige puisqu’on trouve, par exemple, un muet de J. Searle Dawley en 1916 avec Marguerite Clark dans le rôle titre.
Non, ce qui change tout avec la sortie de Blanche Neige, c’est une nouvelle façon de concevoir l’animation dans un long métrage.
L’histoire, assez riche malgré les éléments ôtés, se prête magnifiquement à une exploitation longue, et surtout la qualité de cette animation combinée à la musique originale nous donne un film extraordinaire.
En effet, l’équipe, sous les ordres de David Hand, a œuvré pendant quelques années afin de proposer ce magnifique film. Alors bien évidemment, ce fut un succès immédiat et qui est toujours d’actualité quatre-vingts ans plus tard. Il fut même difficile à une période de se procurer le DVD de ce film qui s’échangeait (presque) à prix d’or !
Quoi qu’on peut en dire, ce film est toujours apprécié par les plus jeunes qui le découvrent tout comme les plus grands qui se laissent (presque) toujours avoir à le regarder en entier…
Il faut dire que l’intrigue rassemble tout ce qu’il faut pour faire un grand film : une jeune fille pure et très belle (3) ; une méchante reine jalouse et cruelle (3) ; une forêt inquiétante et accueillante ; sept nains rigolos et un tantinet enfantins ; de la magie (noire aussi) et un beau prince charmant (4).
Et tout ça avec des dessins et une fluidité dans les mouvements qui accentue encore plus (comme s’il y en avait besoin) la magie inhérente à l’histoire.
Parce que c’est bien la beauté des images qui fait donne à ce film un rang de Premier. Si on retrouve le style des précédents courts des productions Disney, on peut aussi y voir un certain style commun aux autres maisons de productions de dessins animés : par exemple, le visage de la vieille femme rappelle celui d’un des protagonistes de Ain’t we got fun (Fred « Tex » Avery, 1937). Parce que malgré le côté intemporel de l’histoire, les personnages, eux, rappellent très bien l’époque à laquelle ils ont été dessinés (3 – encore une fois).
Et c’est le cocktail des ingrédients susnommés, mis en vie par une kyrielle de dessinateurs de talent, qui nous emporte dans un lieu et une histoire éternelle : Blanche-Neige sera toujours Blanche-Neige, avec ses sept nains, sa méchante reine et son prince.
Mais c’est surtout le contexte qui inscrit cette vie dans une réalité époustouflante. La fuite de B-N dans la forêt puis celle de la vieille sorcière est haletante et l’adversité de cette même forêt est tout simplement sublime. C’est le mont qu’escalade la méchante reine, trempée par la pluie d’orage est d’un réalisme magnifique et les différentes manifestations de la mort sont tout aussi superbes.
On ne voit pas B-N s’effondrer après avoir goûté à la pomme fatale. Seulement sa voix qui décline alors qu’elle se sent de plus en plus mal, pendant que le visage de l’infâme mégère prend vie. Et cette scène se termine par la mort (clinique ?) de B-N, dont on n’aperçoit seulement la main, dans la tradition des morts hollywoodiennes : un simple détail qui raconte énormément de choses.
Autre manifestation de la mort : les vautours extrêmement menaçants, aux regards cruels, se réjouissent d’un futur trépas et vont prendre leur tribut une fois le personnage éliminé, quel qu’il soit. Normal, nous sommes tous égaux devant la mort, personne n’y échappe…
UN mot enfin sur la musique d’accompagnement. Comme dans n’importe quel court métrage animé américain de cette époque, la musique souligne l’action, mais ici, il n’y a pas de recours systématique à des airs connus mais une musique originale (Leigh Harline & Paul J. Smith) ponctuée de chants (Larry Morey & Frank Churchill) qui sont devenus de véritables œuvres de références et seront repris par divers formations ou musiciens (Dave Brubeck, Miles Davis…).
Jamais l’appellation de « Classique Disney » n’aura été aussi pertinente.
Un chef-d’œuvre absolu, sublime, absolument sublime, sublimement absolu…
PS : Lançons une polémique. Ce n'est pas Dopey (Simplet) le préféré de Blanche-Neige...
(1) La reine qui souhaite une fille, se pique avec une aiguille et son sang coule sur le sol neigeux immaculé… On ne peut pas faire plus clair !
(2) Il s’agit bien évidemment des voix originales.
(3) Personnellement, j’ai tout de même un faible pour la méchante reine, ayant toujours été amoureux des belles actrices américaines des années 1930s…
(4) Assez quelconque d’ailleurs, il n’évolue pas dans le film entre la première rencontre et la dernière rencontres avec B-N. Un peu comme Norman Kerry dans le cinéma des années 1920s : il est beau, il séduit, mais il est tout de même bien monolithique…
(5) Chez Disney, les animaux sont toujours dotés d’émotions, qu’elles soient positives ou négatives