Ruth (Gloria Swanson) a deux prétendants : Jim (Monte Blue) qui est beau est fort, et David (Elliott Dexter) qui est moins beau et surtout invalide.
Alors évidemment, c’est avec Jim qu’elle s’enfuit, se marie et file le parfait amour à la grande ville.
Malheureusement, Jim meurt dans un accident de mine. Ruth s’en retourne donc chez Luke son père (Theodore Roberts), affronter le reproche, avec le fruit de ses amours...
Cecil B. DeMille, Jeanie McPherson, Gloria Swanson, Theodore Roberts : pas de doute, nous sommes en territoire connu.
Mais ce qui diffère des autres films, c’est un ton d’une noirceur inhabituelle chez ces gens-là. Tout d’abord, Roberts et Swanson ne sont pas des membres de la haute bourgeoisie comme on a coutume de les voir chez DeMille.
Et si Swanson reste Swanson, il n’en va pas de même pour Roberts : loin de l’homme d’affaires plus ou moins scrupuleux, nous le retrouvons dans un rôle de forgeron avec une barbe aussi spectaculaire qu’improbable. D’ailleurs, on a parfois du mal à le reconnaître sous cet attribut pileux.
Si on retrouve les thèmes habituels du duo DeMille/McPherson, on est surpris de la tournure des événements. Que la belle Ruth s’enfuie avec le beau Jim, rien de bien surprenant. Par contre, c’est le sort qui attend ce même Jim qui amène l’élément perturbateur qui amène l’indispensable quête de rédemption que chacun va effectuer à sa manière.
Ruth par une forme d’humiliation en étant recueillie par David, pour sauver les apparences (et pas autre chose) ; David en évoluant dans sa pensée (1), accueillant l’Amour puisqu’il refuse Dieu (il n’y a d’ailleurs aucune différence entre les deux, si on en croit le discours un tantinet lénifiant mais surtout édifiant de la femme de ménage de David (Claire McDowell).
C’est d’ailleurs cet aspect religieux qui a tendance à alourdir le film, même si on retrouve dans le même temps quelques références dans l’intrigue.
Tout d’abord le prénom Ruth qui n’est pas anodin : en effet, il s’agit de celle dont la lignée va engendrer le roi David et si on en croit les Evangiles, Jésus comme expliqué dans les premiers versets de Matthieu (I:1-17), ce qui nous amène évidemment à David pour les même raisons.
Autre résonnance religieuse : le retour de Ruth qui est rejetée par son père et pour la deuxième fois des envies suicidaires. C’est dans ce qu’i ressemble à une étable que la corde pend tranquille, transformant alors e lieu de naissance en lieu de mort. Mais heureusement, David (encore lui) la sauve (voir plus haut).
Mais malgré cette issue salvatrice annoncée (on chez DeMille, tout de même), le propos du film n’en demeure pas moins très sombre.
Outre la mort de Jim, qui se sacrifie pour les autres, Ruth a dans l’idée de se supprimer une première fois, sauvée par un mendiant qui lui a tout de même volé son porte-monnaie. Vide peut-être, mais c’est l’intention qui compte (2).
Autre élément du destin qui n’amène pas l’optimisme : Luke qui frappe mal sur un fer-à-cheval chauffé à blanc dont les escarbilles l’aveuglent, l’amenant lui aussi à une déchéance qui l’envoie dans un hospice pour nécessiteux.
Mais malgré tout, la fin est heureuse : il fallait tout de même que le propos religieux porte ses fruits. C’est d’ailleurs ce côté rédempteur qui a tendance à alourdir le film, mais que voulez-vous, en 1920, la morale a certaines exigences.
Cette morale qui a tendance à compliquer la vie des jeunes gens : le veuvage de Ruth est alors montré comme une « double peine » : d’un côté elle perd l’homme qu’elle aime ; de l’autre, elle est déconsidérée par son père et celui qui fut son prétendant voire son promis avant qu’elle ne fuie.
Alors on peut se laisser à regarder cet énième film du duo DeMille-McPherson, mais on peut aussi lui préférer d’autres films on ne peut plus intéressants (celui qui est évoqué plus bas, par exemple).
PS : à noter la présence d’une autre actrice demillienne, la belle Julia Faye dans un rôle qui ressemble plus à du copinage qu’autre chose… Ainsi que dans le rôle du jeune Bobby, le fils de Ruth et Jim, Michael D. Moore, qui fera une carrière d’assistant-réalisateur qui l'amènera à travailler sur les trois premiers épisodes d’Indiana Jones. Pas mal, non ?
- David est un philosophe dont le mot d’ordre est qu’il n’y a aucune différence entre les différents dieux adorés : en clair, c’est un athée. D’une certaine manière, il annonce le personnage de Judy Craig (The Godless Girl) presque dix ans plus tard.
- C’est d’ailleurs le seul moment qui nous tire un sourire, McPherson ayant évité toutes les occasions comiques qu’on a l’habitude de trouver chez DeMille.