Dernier film muet de Buster Keaton, c’est un film partiellement sonore (applaudissements, rires…). C’est aussi le troisième long métrage qui se passe sur un bateau.
Elmer (Gantry, bien entendu, le roman de Sinclair Lewis étant paru en 1927) réalise le rêve de sa vie : il épouse la comédienne Trilby Drew (Dorothy Sebastian), dont il suit la carrière et ne rate aucune de ses représentations.
Sauf que.
Sauf qu’elle ne l’aime pas. Sauf qu’elle aime un autre comédien qui a une aventure avec une autre femme, une blonde. Sauf que ce comédien doit se fiancer avec elle (la blonde). Alors, par dépit, elle épouse Elmer (d’où le titre original), qui n’en revient pas.
Mais Elmer déchante vite. Les seuls moments d’intimité qu’il a avec elle arrivent quand elle est inconsciente.
Alors elle s’en va, en attendant qu’il la quitte réellement et puisse divorcer.
Mais si la rupture est inévitable, les retrouvailles le sont tout autant. Et Elmer la retrouvera… Sur un bateau.
Mais ce n’est pas The Navigator. Ici, l’amour n’est pas (encore) réciproque.
On retrouve ici le même ton doux-amer qui prévalait pour The Cameraman. Là encore, le personnage de Buster Keaton est malmené par la vie : il aime une femme qui ne l’aime pas ; il est un (très) piètre acteur ; il se retrouve involontairement embarqué dans une histoire de trafiquants. Et si la fin est heureuse, c’est – encore une fois – au tout dernier moment. Il est peu probable qu’un « repasseur de pantalons » devienne l’époux d’une star du théâtre.
Mais c’est du cinéma, c’est Keaton, alors tout est possible.
Pourtant, Keaton aurait aimé faire de ce film son premier parlant. La MGM a pour sa part préféré une version partiellement sonorisée, timorée à l’idée de perdre un de ses acteurs phares si le test du parlant était défavorable. Cette bande sonore n’apportant pas grand-chose : la demi-mesure n’étant jamais une bonne solution. Et puis les rires du restaurant ont une certaine tendance à me lasser.
Mais nous retrouvons Buster Keaton plus bondissant que dans The Cameraman : il se déchaîne sur le bateau, rappelant ses précédents films marins.
Parlons du titre français.
Pour une fois, il n’est pas si mal choisi que ça… Pas de « Malec », ni de « Frigo », c’est déjà ça. Mais surtout, le terme de figurant fait appel à deux réalités :
- la figuration qu’effectue Elmer dans la pièce de Trilby Drew. Après une séance de maquillage d’anthologie, nous assistons à une figuration un peu trop présente – malheureusement accompagnée des rires du public – où, là encore, les tentatives d’Elmer sont vouées à l’échec. Il remplace l’acteur pour pouvoir embrasser la star, mais au moment d’y parvenir, tout s’écroule…
- le statut d’Elmer dans ce mariage « par dépit » où il n’a que le rôle de mari, mais pas la fonction.
On pourrait même trouver une troisième réalité, prémonitoire celle-là : Keaton va peu à peu perdre son statut de star, jusqu’à ne plus faire que quelques apparitions – notables, tout de même.
Mais ça reste du Keaton, alors on savoure – une dernière fois – cette aventure muette en regrettant un peu, tout de même, l’avènement du parlant.