Magistral.
Pas étonnant que Kubrick ait aimé. George Sluizer déroule doucement et progressivement l’écheveau de son intrigue (il a aussi signé le scénario), prenant le temps de mettre en condition son personnage principal – Rex Hofman (Gene Bervoets) – et surtout les spectateurs, jusqu’à l’impensable.
Mais reprenons.
Nous sommes en juillet 1984, et Hinault & Fignon s’affrontent sur les pentes du Tour pour le maillot jaune. C’est le moment qu’ont choisi Rex et sa fiancée Saskia (Johanna ter Steege) pour venir passer des vacances dans les Cévennes, à Vieux-Bois, près d’Anduze (30). Ils ont même amené les vélos et le matériel de ping-pong.
Mais dans une aire d’autoroute proche de l’arrivée, Saskia disparaît complètement. Jamais Rex ne croit à une fugue : elle a très certainement été enlevée.
Trois ans après, la bataille pour le maillot jaune fait toujours rage, même si Hinault a pris sa retraite.
Toujours est-il que Rex est toujours à la recherche de Saskia. Ou plutôt : il voudrait savoir ce qu’il lui est arrivé.
Entre alors en scène Raymond Lemorne (Bernard-Pierre Donnadieu), professeur de physique-chimie, père de famille et bon mari. Il était là quand Saskia a été enlevée : c’est lui qui est l’auteur du rapt.
Bien sûr, le personnage de Donnadieu est glaçant. Encore une fois, il interprète un méchant, mais cette fois-ci de la pire espèce : un tueur sociopathe (il se définit ainsi) sans remord ni encore moins de regret. En face de lui, Rex est totalement impuissant. Qu’il le veuille ou non, il court à sa perte, malgré qu’il en soit conscient. Mais les arguments de Lemorne ont la force d’un venin qui s’insinue et contre lequel il n’y a aucun antidote.
Non seulement Rex veut savoir, mais en plus, sans contrepartie : seule la vérité l’intéresse.
Et Le morne en joue, ayant absolument tout prévu, même un éventuel refus, tout en sachant que le besoin de vérité est le plus fort : la dernière tergiversation dans l’aire d’autoroute où tout a commencé en est une illustration parfaite.
Mais ce qui marque le plus, c’est le modus operandi : Rex veut savoir la Vérité, il ne va pas être déçu, Lemorne va tout lui révéler. Nous assistons alors aux développements de la stratégie du tueur, comment il part en chasse, autour de chez lui, de préférence des femmes seules. Et c’est pile quand les deux jeunes gens arrivent que son stratagème fonctionne : ils étaient au mauvais endroit, au mauvais moment. Mais Sluizer se régale et nous lance tout de même sur quelques fausses pistes : la panne d’essence qui voit Rex revenir avec un jerrican plein mais une voiture vide… Saskia était sortie du tunnel, un tantinet angoissée par la solitude.
Même lors de l’enlèvement de la jeune femme, Lemorne doit s’y reprendre à deux fois, pour une histoire de monnaie…
Et Lemorne expose tout cela à sa (future ?) victime : il veut que Rex ressente tout ce qu’a vécu Saskia, qu’il s’en imprègne… Jusqu’au bout. Et le tout dans un état de calme apparent, lui qui a tendance à faire de la tension.
C’est ce calme qui impressionne le plus. Lemorne est un être d’une incroyable dangerosité et surtout un tueur de la pire espèce. Non seulement il n’éprouve aucune pitié envers ses victimes, mais en plus il mène une vie des plus rangées, profitant seulement des vacances pour chasser « le gibier le plus dangereux » comme disait Schoedsack…
Ca en devient presque inconcevable de le voir plonger pour sauver une petite fille de la noyade !
Bref, un thriller immanquable où Bernard-Pierre Donnadieu démontre une fois de plus - s’il est besoin – qu’il était un immense acteur.
Et Lemorne donne encore une fois raison à Fritz Lang : un tueur névrosé – névro-, socio- ou psycho-pathe – ça ne se reconnaît pas dans la foule.