Entre deux épisodes de la trilogie marseillaise, Raimu a tourné avec Raymond Bernard cette histoire improbable qui fleure bon la Provence. A partir d’une nouvelle de Daudet, et grâce au dialogue de Pagnol, nous assistons à une de ces histoires « marseillaises » qui vont essaimer le cinéma français dans les années 1930. Viendront César, la Femme du boulanger, la Fille du Puisatier…
Tartarin est un bourgeois de Tarascon, président du cercle de chasse de cette ville. Et c’est justice que cet homme dirige ce cercle, c’est une gâchette phénoménale pour tirer… Des casquettes ! Mais Tartarin, c’est surtout Raimu, fort de ses deux prestations dans Marius et Fanny. Mais cette fois, il est plus humble. Il faut dire que c’est un érudit à qui on prête des vues sahariennes et des projets de chasse au lion. Sachant qu’il n’a jamais quitté sa ville !
Parce que nous sommes dans une comédie « marseillaise » où l’exagération est la principale caractéristique. On songe à l’air de la calomnie du Barbier de Séville : d’une petite phrase à propos d’un éventuel courrier reçu d’Afrique, on arrive à une invitation en bonne et due forme d’un prince saharien pour l’accompagner à chasser le lion de l’Atlas.
Après avoir tergiversé quelques mois, Tartarin cède et se rend en Algérie, à la poursuite d’un éventuel lion saharien.
La traque en elle-même prend peu de temps du film et est secondaire, finalement. Parce que le plaisir réside ailleurs. C’est à Tarascon qu’on a le plus de joie à suivre notre héros. Ses péripéties sont rehaussées par une truculence des personnages secondaires – déjà visible dans Marius et Fanny – parmi lesquels on reconnaît trois autres protagonistes de la trilogie : Charpin, Maupi et Millie-Mathis. Ce petit monde de ragots et forfanterie – qui se retrouvera dans La Femme du boulanger, quatre ans plus tard – accumule les stéréotypes prêtés aux Marseillais : l’exagération frisant le mensonge arrivant en tête.
Alors on se laisse aller, à suivre cet homme a priori humble mais qui est dirigé par son ventre : il faut voir Raimu marcher dans n’importe quel endroit, nombril en avant !
Et finalement, ce qui aurait dû être un fiasco mémorable se transforme en une épopée mythique dans laquelle Tartarin devient héros… Malgré lui !