Elle est vieille.
Elle est veuve.
Elle vit seule.
Elle est méchante.
Elle ? Tatie Danielle (Tsilla Chelton).
Deux ans après La Vie est un long fleuve tranquille, Etienne Chatiliez nous revient avec un nouveau film dans lequel il continue de décrire les gens, avec un soupçon de cynisme, juste assez pour faire basculer dans le registre de la comédie. Grinçante, cela va de soi.
Tatie Danielle (1), c’est l’archétype de la vieille femme acariâtre : capricieuse, égoïste, misanthrope, en un seul mot odieuse ! C’est la grand-mère qu’on n’aimerait pas avoir, la grand-tante (2) qu’on évite sauf pour les étrennes (sinon pas d’héritage) et que, bien entendu, chacun a dans sa propre famille. Pour ma part, j’en ai eu une qui correspondait à certaines de ces qualités, mais qui, une fois qu’on savait comment elle pensait, devenait une femme charmante et généreuse.
Autant vous dire que le film de Chatiliez a fait mouche dans ma famille !
Mais au-delà du cynisme, c’est avant tout un personnage magnifiquement campé par la grande Tsilla Chelton qui s’est beaucoup amusée pendant le film. Sa prestation est complète : elle a le ton juste et le jeu qui l’est autant, donnant corps à un archétype plus vrai que nature.
En face d’elle, on trouve une famille désemparée et donc prête à subir la tyrannie de cette emmerdeuse : en vendant sa maison au profit de ces neveu et nièce, elle s’assure un avenir confortable, choyée par ces mêmes personnes par gratitude.
A sa méchanceté s’ajoute une dose de machiavélisme raffiné. Un régal !
Et puis sa vie bascule à nouveau : la première fois, c’était à la mort de son mari Edouard (3), le jour de l’armistice (1945). Le seconde, c’est quand sa bonne, Odile (Neige Dolsky), meurt d’un accident domestique (4). La troisième, c’est à l’arrivée d’une jeune femme, Sandrine (Isabelle Nanty magnifique elle aussi), embauchée par la famille pour garder la vieille dame pendant leurs vacances.
Inutile de dire que ce changement va bouleverser sa vie, et d’une certaine façon la rendre plus humaine.
Plus humaine, mais pas trop non plus, de mauvaises habitudes (bonnes de son point de vue) étant toutefois difficile à éliminer d’un coup. Il se crée alors un couple réjouissant – deux femmes aux deux extrémités de leur vie de femmes – fort différente (encore que) mais surtout très complémentaires. Et comme pour La Vie, ça marche.
En plus de ce duo magnifique, Chatiliez s'entoure de quelques acteurs et actrices de son premier film, dont Catherine Jacob encore une fois dans un rôle outrancier mais superbement interprété. Cette nièce par alliance devient le nouveau souffre-douleur de cette vielle femme remplaçant Odile décédée. Elle interprète une esthéticienne à la limite de la rupture, cherchant dans ses produits de beauté un palliatif à son état de nerf. On retrouvera cette femme excitée dans Les grands Ducs cinq ans plus tard.
Quant aux autres « revenants » je vous laisse les découvrir.
PS : A noter la présence de Frédéric Rossif – l’homme qui nourrit les canards – qui est décédé deux semaines après la sortie du film.
- Le Canard enchaîné, journal incontournable s’il en est, après avoir surnommé François Mitterrand « Tonton » a tout naturellement appelé son épouse « Tatie » Danielle.
- Qui pique, en plus…
- Edouard, c’est une photo agrandie dans un cadre, un militaire (colonel) avec moustache et coquetterie dans le regard.
- Avec une certaine prémonition qui ajoute au personnage maléfique de Tatie Danielle.