C’est un homme – Walter Black (Mel Gibson) – qui va mal. Très mal.
Il passe son temps à dormir, et quand il ne dort pas, il n’est pas à ce qu’il fait.
Il a une famille presque idéale, mais depuis qu’il est comme ça, rien ne va plus à la maison.
Walter est malade. Il a une maladie qui ne se voit pas : la dépression.
Alors il quitte sa famille, tirant un trait sur ce passé qui ne reviendra plus. Il se sépare du superflu, ou presque : il va juste garder un castor – peluche et marionnette à la fois – qui va devenir un autre lui-même, véritable interlocuteur quand on a à lui parler.
Mais peut-on accepter de s’adresser à un tel interlocuteur quand celui qui le manipule a de telles responsabilités ?
La dépression est donc une maladie qui ne se voit pas. Même si ses symptômes semblent visibles, on a du mal à voir qu’une personne va mal. C’est une maladie lente et insidieuse, qui s’installe sans prévenir et s’en va de la même façon. C’est un état terrible pour celui ou celle qui en souffre, et surtout une grande incompréhension pour l’entourage. Sans parler de ceux qui ne savent pas ce que c’est et qui sont les plus difficiles à supporter pour le malade. Vous enverrez autour de vous, de ces donneurs de leçon qui vous diront que la personne malade ferait mieux de revenir travailler, de sortir de son environnement et toute cette sorte de choses.
En tournant ce film courageux, Jodie Foster semble transgresser un tabou tant ce thème est peu abordé au cinéma comme en littérature. Et Mel Gibson est un acteur-vecteur magnifique pour décrire ce qui est indicible.
Au début de sa nouvelle vie, on s’amuse à voir cette marionnette prendre la place de Walter, même si ce dernier ne cache pas qu’il parle : il ne s’agit pas d’un rôle de ventriloque. En utilisant ce castor – qui n’a d’ailleurs pas de nom – c’est une façon pour Walter de ne pas perdre pied dans la réalité, mais c’est aussi sa façon de la fuir : ces deux aspects contradictoires résumant bien l’état d’esprit du malade. Walter n’est plus encharge socialement, mais il reste tout de même celui qui manipule cette singulière marionnette. Et ses idées ne sont pas encore dépassées : le produit qu’il fait lancer (c’est le castor qui décide, ne l’oubliez pas) connaît un succès phénoménal !
La démarche de Walter permet que, de prime abord, ce castor soit plutôt bien accepté, mais progressivement il va s’imposer à Walter et son entourage jusqu’à devenir indispensable, voire tyrannique. Il est clair que l’état de Walter se détériore, et ce malgré la présence de ce vecteur de bien être qu’est le castor. Mais cela ne suffit pas et tout autour de lui aussi, les choses s’enveniment : son fils aîné – Porter (Anton Yelchin) – se détache de plus en plus de lui et la présence de la marionnette accentue la rupture. Et l’objectif de ce dernier – être le plus différent possible de son père – le voit prendre le même chemin, tout comme Walter l’avait fait avec son propre père.
Heureusement il y a les autres, ceux que la dépression ne touche pas, enfin pas directement, semble-t-il. Meredith (Jodie Foster) bien sûr, ou Henry (Riley Thomas Stewart), trop jeune pour bien comprendre ce qui arrive à son père. Mais c’est surtout la seule qui n’a rien de commun (d’un point de vue biologique) avec cette famille en plein désarroi qui va véritablement dénouer cette intrigue complexe : Norah (Jennifer Laurence). Elle aussi possède ses blessures, que Porter va mettre au jour, et de cette façon lui permettre d’avancer et de grandir. Elle a perdu son frère comme lui a perdu son père et cette rencontre (amoureuse) ne pourra être que profitable à tous : elle s’assumera comme lui assumera son père qui sortira (certainement pas indemne) de cette période nocive.
Un film indispensable pour commencer à essayer de comprendre ce qu’est cette maladie tellement méconnue mais que tous les ignorants croient connaître : la dépression.