William Tell (Oscar Isaac) – c’est bien sûr un pseudonyme – est, comme l’indique le titre (1), un joueur : black jack et poker n’ont aucun secret pour lui. Pendant une de ses virées au casino, il fait la connaissance de Cirk Baufort (Tye « Cyclops » Sheridan) : le père du jeune homme ont un passé commun. Et ce passé est tout sauf reluisant : ils étaient interrogateurs à Abou Ghraib (Irak). En clair, ils ont torturé sans vergogne ni limite de nombreux prisonniers irakiens.
Mais ils ont été rattrapés par ces exactions : Tell a passé huit ans et demi en prison militaire. Pendant que leurs supérieurs s’en tiraient sans égratignure.
Et c’est là qu’intervient véritablement Cirk (2) : il propose à Tell de séquestrer, torturer et tuer l’un des pires supérieurs du lieu : John « Gordo » Rogers (Willem Dafoe).
Tell n’est pas très enthousiaste et propose à Cirk une tournée des casinos. Mais ce projet reste bien ancré dans la tête du jeune homme.
Pas étonnant que Martin Scorsese ait participé à la production du film : non seulement Paul Schrader lui avait écrit le scénario de Taxi Driver, mais en plus, ce William Tell est un héros très scorsesien : ne vous attendez pas à une quelconque élévation, ou alors elle ne peut être que temporaire et il retournera d’où il vient.
Tell est un homme seul, hanté par son passé de bourreau : il en rêve la nuit, bien sûr, mais ses souvenirs surgissent aussi le jour, surtout depuis l’apparition du jeune.
Et Oscar Isaac est impeccable dans ce personnage torturé (à son tour !), aux yeux tristes, bien loin de Poe Dameron (Starwars, troisième cycle) : sous ses dehors plutôt sympathiques se cache cet affreux personnage qu’il fut et qu’il essaie tant bien que mal d’exorciser.
Bien entendu, il n’y arrive pas complètement et sa proposition à Cirk est des plus glaçantes : en peu de mots et surtout grâce à une attitude accentuée par ce même regard (moins) triste, il nous montre qu’il reste toujours cet être abject qu’il pensait avoir laissé en prison.
ATTENTION la suite risque de révéler la résolution de l’intrigue.
Continuez à vos risques et périls !
Mais Schrader lui donne une chance : la rédemption. Et cette rédemption va passer par deux personnes : Cirk, bien sûr, qui lui offrira la possibilité de se venger (acceptera-t-il ?) ; et La Linda (formidable Tiffany Hadish), avec qui il retrouvera un peu de son amour propre, et même d’amour tout court.
Mais comme annoncé plus haut, il ne faut pas s’attendre à une fin heureuse : il retournera en prison pour la même raison que la première fois, torture ayant entraîné la mort.
Et Paul Schrader va filmer la séquence, d’une façon remarquable – à mon avis – restant dans la pièce que les deux protagonistes viennent de quitter, n’accompagnant les _images que des sons qui sortent de la pièce où a lieu le supplice.
Cette dernière séquence (avant la finale qui se veut un peu emplie d’espoir) fait écho au film de Scorsese susnommé : mais alors que nous suivons Travis Bickle (Robert de Niro jusqu’au bout de sa nuit, nous restons donc ici sur le pas de la porte, laissant la violence hors champ.
Cette analogie avec le héros de T. D. ne s’arrête pas là : tout comme Bickle, Tell est poursuivi par son passé militaire.
Mais malgré tout ça, je garde ma préférence pour le grand Martin. Le scénario n’est pas tout et parfois, la façon de filmer de Schrader est un tantinet lente, s’attardant un petit peu trop sur certains détails.
Mais qu’importe, le film se laisse regarder sans déplaisir, et on notera que l’ouverture du film se fait à l’ancienne, avec le générique principal avant que tout commence.
- Le compteur de cartes.
- Ca se prononce « Kirk », mais avec un C.
- La facilité aurait été de livrer crûment cette mise à mort