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Le Monde de Djayesse

Le Monde de Djayesse

Un peu de tout : du cinéma (beaucoup), de l'actu (un peu) et toute cette sorte de choses [A bit of everythying: cinema (a lot), news (a little) and all this kind of things]

Publié le par Djayesse
Publié dans : #Cinéma, #Muet, #Comédie, #Epouvante, #Paul Leni
La Volonté du mort (The Cat and the canary - Paul Leni, 1927)

 

Cyrus West, un riche excentrique pressé par des héritiers avides, décède. Mais il émet une condition pour que ces gens touchent quelque chose : vingt ans doivent passer avant l’ouverture du testament.

Vingt ans après, ils sont six à répondre à l’appel de maître Crosby (Tully Marshall) qui doit ouvrir le coffre renfermant le nom de l’heureux élu qui en plus aura droit aux fameux diamants West : ses neveux Harry (Arthur Edmund Carewe) et Charles (Forrest Stanley), sa sœur Susan (Flora Finch), sa nièce Cecily (Gertrude Astor), son autre neveu Paul Jones (Creighton Hale) et sa petite-nièce Annabelle (Laura La Plante). Et tout ce petit monde est sous la surveillance de Mammy Pleasant (Martha Mattox).

 

Le titre (original) tout d’abord : la référence au chat et au canari s’explique par la position intenable de Cyrus West vis-à-vis de ses héritiers : il est cerné et enfermé dans une cage (virtuelle), ce qui le fait mourir à petit feu. Cette métaphore sera reprise par Crosby à l’adresse de la nouvelle héritière. Nous sommes bien d’accord que la traduction française rejette cette image, mais le rapport avec le film reste tout de même pertinent.

 

Quoi qu’il en soit, nous assistons ici aux débuts de Paul Leni à Hollywood. Fort de son magnifique Cabinet des Figures de cire trois ans plus tôt, il commence sa carrière américaine par un coup de maître : non seulement le film est parfait, mais en plus il ouvre la voie au cinéma d’épouvante qui va s’épanouir dan la décennie qui approche. D’ailleurs, Frank R. Strayer s’inspirera beaucoup de ce film quand il réalisera The Monster walks cinq ans plus tard. Mais n’est pas Paul Leni qui veut et son film n’atteindra jamais le niveau de celui du réalisateur allemand.

 

Tout d’abord parce que Leni est allemand. Et cela se ressent dans sa façon de filmer ainsi que dans les décors (1). On retrouve le même genre de plan que dans son long métrage précédent (Le Cabinet), et la demeure (immense) de Cyrus West nous est présentée comme un bâtiment tout droit sorti de cette période post-expressionniste dans laquelle s’inscrit la production germanique. On y retrouve même la menace chère à Siegfried Kracauer à travers ces grandes mains poilues aux ongles longs et affûtés. Mais ne nous y trompons pas : nous sommes ici dans une comédie et si menace il y a, elle concerne surtout l’héritière qui emporte la mise : Annabelle (2).

 

Oui, il s’agit d’une comédie, et de haute volée, Leni réussissant admirablement à nous faire frissonner et rire en même temps. Il faut dire qu’il joue avec bonheur avec les éléments à sa disposition. Ses décors sont angoissants, enrobés de toiles d’araignée (indispensable) et fouettés par un vent violent qui fait voler les rideaux des fenêtres ouvertes. De plus, l’utilisation de plans très rapprochés voire très gros, accentue la tension qui ne fait que monter, à mesure que l’intrigue s’embrouille : un cadavre qui disparaît, des mains qui sortent du mur, comment ne pas de venir folle ? (3)

Mais l’angoisse qui se dégage est sans cesse tempérée par le ton comique résolument voulu par le réalisateur. Et le ressort comique, c’est Creighton Hale. Dès son apparition à l’entrée du manoir, on a le sourire aux lèvres qui ne nous quittera qu’un instant, quand il rencontrera le spectre qui mène la danse (j’y reviendrai plus bas). D’ailleurs, Annabelle enfonce le clou en rappelant que la dernière fois qu’elle l’a vu (20 ans plus tôt donc), la nurse l’avait fait tomber sur la tête…

Autre personnage comique : la tante Susan. C’est comme de bien entendu l’archétype de la vieille tante acariâtre, sans cesse distillant son fiel, mais qui reste surtout très ridicule. Autre archétype, la servante qui en plus de s’appeler Pleasant (« agréable », comme on dit par chez nous) a tout d’une vieille fille sèche, de type Frau Blücher (4), les hennissements en moins, bien sûr.

Et puis il y a le méchant (je ne vous dirai pas qui c’est). C’est le plus longtemps possible qu’une paire de main qui sort vraiment du mur, jusqu’à son apparition dans les souterrains de la demeure (qui ont aux aussi leurs toiles d’araignées) garnis de couloirs et d’escaliers : œil de verre et dents proéminentes, il est lugubre et surtout inquiétant à souhait.

 

Au final, c’est un film magnifique qui nous est proposé là, alliant la maîtrise technique à une interprétation irréprochable : Leni, pour son premier film américain, confirme qu’il est un très grand. Et son émigration hollywoodienne n’a en rien altéré son savoir faire : entre les décors et surtout l’utilisation de l’ombre (et DES ombres) et de la lumière, son film s’inscrit totalement dans le courant cinématographique allemand de la période de Weimar (1919-1933).

Un chef-d’œuvre à (re)voir absolument !

 

  1. Leni est entré au cinéma par le département décor.
  2. Oui, je révèle. Mais pas tant que ça, surtout que Laura La Plante est en haut de l’affiche, devant Creighton Hale.
  3. Autre clause du testament : l’héritière doit attester de sa bonne santé mentale, ce qui n’est pas gagné au vu de l’intrigue.
  4. Young Frankenstein (Mel Brooks, 1974)

 

 

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