Bill Roberts (George Bancroft) est un marin. Un soutier. Il travaille dans le ventre des navires, nourrissant continuellement les machines. C’est un homme, un vrai, un tatoué. Il ne se laisse pas faire, ni marcher sur les pieds. Il ne fait pas dans le détail. Il boit la bière dirctement au fût. Et si besoin est, il a deux arguments frappants, un à chaque bout de bras.
Il n’est pas spécialement beau, mais il est fort. Très fort.
Il débarque à New York, pour la soirée, départ le lendemain matin.
Et là, sa vie bascule.
Mae (Betty Compson), une prostituée en bout de course, se jette à l’eau.
Bill la sauve.
Il la vêt.
Il va même jusqu’à l’épouser, sous l’œil noir de Lou (formidable Olga Baclanova), une femme de marin trop souvent abandonnée.
Mais Bill est marin et n’a jamais renoncé à l’appel du large. Alors, pourquoi le ferait-il maintenant ?
Et pourtant…
Un an après Underworld, Sternberg dirige à nouveau George Bancroft. Cette fois-ci encore, c’est un type bien. Et du bon côté de la barrière. Mais là encore, il n’est pas complètement bien. Son mariage ? Une folie de jeunesse. Une passade.
Sauf que pour Mae, ça ne l’est pas. Il faut la voir essayer d’enfiler une aiguille avec les larmes aux yeux, ce que Sternberg montre magnifiquement avec une caméra subjective…
Trois lieux importants dans ce film : la salle des machines, la taverne, la chambre.
La salle des machines nous plonge dans un enfer de feu et de fureur, que Sternberg accentue avec des effets de fumée. La puissance des pistons donne le vertige. Soixante-dix ans plus tard, James Cameron fera de même – le son en plus – dans le ventre de son Titanic.
La taverne est le lieu de vie du film. Même la caméra s’anime dans cet espace : travellings et panoramiques s’enchaînent dans ce lieu d’insouciance et de plaisirs. C’est aussi le lieu du rêve et de l’avenir pour Mae. Alors que pour Bill, c’est un lieu de boisson et de folie(s).
La chambre, c’est tout d’abord le refuge pour Mae, après son plongeon. Elle y est soignée et vêtue. C’est aussi le lieu du couple. Les amants s’y réveillent enlacés, et des gestes conjugaux s’y déroulent : raccommodage d’une poche, puis scène de ménage. L’état de la chambre est aussi le reflet des personnages : c’est un lieu aux murs lézardés, ouvert à tous vents, un peu comme Mae, qui a besoin de se reconstruire.
Là encore, la traduction du titre laisse à désirer. En quoi Mae et Bill sont-ils damnés ?...