Entre 1800 et 1816, en pleines guerres napoléoniennes (et même après), deux hussards se sont livré un combat sans merci dès que l’occasion se présentait. En quel honneur (1) ? On ne sait pas trop. Il se trouve que Gabriel Féraud (Harvey Keitel) a été contrarié par une démarche de D’Hubert (Keith Carradine) à son encontre suite – déjà – à un duel au résultat funeste.
AU gré des occasions, les deux hommes vont donc se rencontrer et s’affronter, à m’épée puis au pistolet, pour laver un affront plus ou moins réel, alors que le monde autour d’eux change, ramenant la monarchie en France pendant que l’Ogre (2) s’en va à Sainte-Hélène.
C’est curieusement dans sa quarantième année que Ridley Scott est révélé au public avec ce film en costumes situé au début du 19ème siècle. En effet, Scott vient de la publicité où il travaille depuis une vingtaine d’années. C’est d’ailleurs avec des spots publicitaires qu’il fait ses débuts derrière une caméra. Mais de là à passer au long métrage, ce fut un pari osé et parfaitement réussi.
Pour le scénario étonnant, il s’appuie sur le travail de Gérald Vaughn-Hughes qui adapte une nouvelle de Joseph Conrad, elle-même inspirée d’une histoire vraie : les différents duels qui virent s’affronter Fournier (Féraud) et Dupont (D’Hubert) à la même période. Le tout est vu selon de point de vue de D’Hubert, avec de très rares incursions du point de vue de Féraud.
Et malgré le titre, les duels ne sont pas des plus spectaculaires, comme on a pu en avoir l’habitude pendant les décennies précédentes. Certes, on assiste à des assauts impressionnants, mais on n’y retrouve pas la touche chorégraphique habituelle. Au contraire, Scott filme avec un souci d’authenticité voire de réalisme qui détonne par rapport canons du genre. Mieux : l’un des affrontements qu’il nous est donné de voir montre les deux adversaires dans un état d’épuisement très avancé, les différents témoins devant interrompre les assauts devant le spectacle devenu lamentable qui leur était offert.
Et d’une manière générale, mis à part le premier et le dernier affrontement, on sent que les différentes rixes ne sont pas les éléments les plus importants du film. Le premier parce qu’il pose les bases des autres rencontres, et le dernier parce qu’il solde définitivement les comptes, même si ce n’est pas de la manière dont on aurait pu l’imaginer.
Féraud, pour D’Hubert, fonctionne comme une sorte de scrupule, dans le sens premier du terme (3) : D’Hubert vit sa vie militaire normalement mais est à chaque fois gêné par l’intervention de Féraud ou ses seconds qui remettent sur le tapis la querelle originelle.
Quelle querelle ? Trois fois rien, mais Féraud est un être fruste et borné qui ne se complaît que dans le duel, comme le montre sa première apparition dans le film.
Mais si Féraud est une espèce d’abruti vindicatif, il ne faut pas non plus considérer D’Hubert seulement comme une victime. En effet, ce dernier, bien que conscient de l’absurdité sur laquelle repose leur opposition, semble apprécier cet antagonisme, ou tout du moins ne fait pas grand-chose pour l’éviter, et ce malgré le danger évident que représente son adversaire.
A propos de cet adversaire, il y a une analogie entre Féraud et Bonaparte, à mesure que le film avance. Comme l’empereur, le soldat est tenace et revient sans cesse à la charge, jusqu’à la résolution finale qui possède quelques similitudes entre les deux hommes. De plus, le fait que Féraud est coiffé d’un bicorne accentue cette ressemblance.
Je terminerai en parlant de la photographie de Frank Tidy qui faisait lui aussi ses débuts au cinéma. Les images sont vraiment très belles et rappellent celles de Barry Lyndon (et donc John Alcott, le chef-op’) sorti deux ans plus tôt. On y retrouve la même lumière et les mêmes références à la peinture britannique du 18ème siècle : Hogarth bien sûr, mais aussi Constable Reynolds ou encore Gainsborough. L’influence est là, mais de là) à dire que Scott a copié Kubrick, je n’ose même pas l’imaginer. Scott a d’ailleurs reconnu l’influence de Kubrick et de son film, mais il faut en rester là : c’est avant tout le travail des artistes du 18ème et 19ème siècle qui est la véritable source d’inspiration iconographique.
- C’est le terme qui convient.
- Surnom de Napoléon par les royalistes.
- Du latin scrupulum qui signifie « petit caillou » : celui qu’on avait dans la chaussure et qui gênait la marche.