Si le titre français oppose un aigle – animal censé noble – et un vautour – oiseau qui le serait beaucoup moins – le titre original oppose lui un même aigle et un faucon. Et ces deux oppositions ont leur pertinence dans ce film. Jusqu’à un point.
L’Aigle, c’est Jerry H. Young (Fredric March), un jeune pilote américain de la RAF qui opère en France début 1918. Depuis son arrivée dans les airs, ce ne sont que citations et médailles qui pleuvent sur lui, les balles l’ayant évité jusque là.
Le Vautour, ou plutôt le Faucon, c’est Harry Crocker (Cary Grant), qui a fait ses classes (aériennes) avec Young mais n’avait pas les mêmes aptitudes aériennes. Young s’est donc retrouvé pilote pendant que Crocker n’était que « observer » : celui qui accompagne le pilote, prend des photos et joue de la mitrailleuse quand l’équipage rencontre des avions ennemis. Cette différence amène une inimitié farouche qui se terminera avec le film, pas avant.
Mais on comprend aussi pourquoi Crocker est appelé Faucon plutôt que Vautour en VO : cet « observer » est celui qui veille et doit repérer les escadrilles ennemies, d’où cette métaphore (visuelle).
Depuis le formidable Wings (1927), William Welman a fait des émules : Capra et son Flight (1929) ou Hughes et son Hell’s Angels l’année suivante, et bien sûr ce film de Stuart Walker et Mitchell Leisen. C’est donc une histoire d’aviateurs et d’avion, mais avec une dimension anti-militariste qui pointe avec le personnage de Young, ce héros qui tue des (jeunes) soldats.
Mais nous ne sommes pas chez Welman et si les combats sont presque aussi spectaculaires, le propos est plus près du sol : ce jeune héros qui supporte de moins en moins bien de perdre ceux qui volent avec lui : 6 en deux mois, dont le dernier qui était tout frais émoulu de l’initiation et qui n’avait jamais volé.
Bref, ce n’est pas qu’un film spectaculaire qui vante les mérites de l’aviation américaine comme ses aînés : on y trouve aussi les doutes et surtout les fantômes de ces pilotes admirés par les plus jeunes. Et ce dernier aspect est accentué par la rencontre de Young avec un jeune garçon, le fils de Lady Askin (Virginia Hammond) qui l’a invité pendant sa permission : l’enfant est impressionné par cet as de l’aviation et lui pose mille questions en rapport avec ses « prouesses ». Mais le pilote accuse de plus en plus le coup : ces questions innocentes et détachées de leur contexte prennent toute leur dimension dans l’esprit de Young qui ne peut que songer à ceux qu’il a enterrés ou tués.
Cette Lady Askin est l’une des rares femmes du film : elles sont trois et outre cette aristocrate, nous en trouvons deux autres fort différentes, voire archétypales.
La première que nous rencontrons, c’est Fifi (Adrienne d’Ambricourt) que Mike Richards (Jack « Napaloni » Oakie) ne cesse d’appeler Fanny. C’est une femme plantureuse qui répond beaucoup à certains canons de la beauté de 1918 loin de Hollywood. L’autre, c’est une femme mystérieuse et blonde dont on ne saura même pas le nom, mais qui va tenir compagnie à Young après son « entrevue » avec le petit garçon. Qu’on s’entende bien, même si le Code Hays n’est pas encore entré en vigueur, il s’agit d’un soutien plutôt chaste : boire un verre de champagne dans le parc (1).
Cette est (très) belle et distinguée, et si nous ne connaissons pas son nom, on connaît surtout celle qui l’interprète : Carole Lombard.
Je terminerai sur l’interprétation en disant que Fredric March était déjà bien lancé dans la carrière et qu’il interprète magnifiquement encore une fois un personnage tourmenté (moins que Jekyll, heureusement) et qu’à ses côtés Cary Grant qui n’est encore qu’un jeunot à Hollywood (il a commencé deux ans plus tôt seulement) interprète un personnage à double face : c’est un pilote très moyen (2), à la mentalité plutôt douteuse : cela ne le dérange pas d’abattre des parachutistes, ce qui lui vaut la désapprobation et le mépris des autres membres de son escouade.
Mais comme nous sommes dans un film américain, il ne faut pas oublier la part de la rédemption : elle sera la conclusion du film, réunissant les deux oiseaux du titre (français ou américain), juste résolution aux teintes sombres de l’intrigue qui ne l’est pas moins.
- Bien entendu, une fois cette séquence terminée, nous retournons au front. S’est-il passé autre chose entre ces deux personnes ? Nous ne le saurons jamais. Et de toute façon, on s’en fiche un peu.
- Il nous apparaît pour la première fois après avoir fait atterrir son avion… Sur le dos !