Alec Guinness, Stephen Boyd, Sophia Loren, James Mason, Christopher Plummer, Mel Ferrer, Anthony Quayle… Je continue ?
Une distribution prestigieuse pour un film qui ne l’est pas moins même s’il fut peu rentable. D’un autre côté si on jugeait un film à sa rentabilité, que deviendrait Napoléon (Abel Gance, 1927) ?
Anthony Mann nous propose ici un péplum tardif dans des décors fastes, avec des costumes somptueux et une musique de Dimitri Tiomkin des plus brillantes.
C’est du très grand spectacle. Et en plus, c’est terriblement humain.
Marc Aurèle (Alec « Obi-wan » Guinness) vit ses derniers instants et souhaite léguer le trône de Rome à son chef des armées Livius (Stephen « Messala » Boyd), écartant de fait son fils Commode (Christopher Plummer) du pouvoir.
Bien entendu, cela ne se fait pas et Commode (1) devient donc le nouveau César et amène le début de la chute de l’empire romain comme l’annonce le titre.
Mais si ce n’était que cela, on aurait un film un tantinet plat.
Au contraire, ici, tout est important, et surtout toutes les relations humaines et comportements (qui ne le sont pas toujours) sont décrits dans ce long film (plus de trois heures).
Beaucoup d’entre vous vont relier ce film au Gladiator de Ridley Scott, ce qui est tout à fait normal puisque c’est ce film qui l’inspira : Livius sera remplacé par Maximus (Russell Crowe) et l’intrigue amoureuse avec Lucilla (La très belle Sophia Loren) est passée à la trappe, remplacée par des amours incestueuses.
Pour le reste, nous retrouvons un Commode qui ne l’est pas vraiment et une démesure formidable, les gigantesques décors de Veniero Colasanti et John Moore ayant nécessité jusqu’à sept mois de travail !
Evidemment, c’est l’opposition entre Commode et Livius, et on retrouve – au début tout du moins – la même relation entre Livius et Commode qu’entre celle qui existait entre Ben-Hur et Messala dans le film (inoubliable) de Victor Fleming cinq ans plus tôt. Et comme c’était déjà Stephen Boyd qui en était, le parallèle devient plus facile.
Car là encore, on assiste à une amitié qui se délite et se conclura dans le sang. Mais cette fois-ci, Boyd est du bon côté.
Il faut dire que le Commode que campe Christopher Plummer est extraordinaire. Il a une bonne dose de perfidie et de cruauté qui en font assez rapidement un personnage haïssable.
Mais il n’est pas pour autant cette brute que sera Joaquin Phoenix dans le film de Scott : en tant que fils (indigne) de Marc Aurèle, il possède tout de même quelques qualités cérébrales qui en font un être roué comme le montre la séquence où l’armée attend d’envahir Rome pour le renverser.
Bref, c’est du très grand péplum, avec une vision décadente de cette Rome que Commode débaptisa un temps (le sien). Les réjouissances populaires ont un je-ne-sais-quoi de demillien dans la démesure, et les combats sont plus sanglants que chez le maître. On y retrouve d’ailleurs deux grandes batailles, l’une en extérieur et l’autre en intérieur, qui illustrent très bien la confusion que généraient les assauts de ces barbares germains, alors qu’on retrouve l’ordre légendaire des légions romaines qui ne sont plus aussi ordonnées une fois le contact établi. Et nous avons même droit à une troisième bataille qui voit les Romains en découdre avec les Perses auxquels s’est allié le félon roi d’Arménie, Sohamus (Omar Sharif, encore une fois dans un film à très grand spectacle).
Toutefois, si la mort de Marc Aurèle a pu être provoquée (2) comme c’est le cas ici, le rebondissement (léger), qui intervient un peu avant la fin peut tout de même prêter à (sou)rire, au final n’influe pas vraiment sur l’intrigue en marche. Ca a dû faire relever quelques sourcils, mais cette anecdote se noie dans l’intrigue générale. Et puis de toute façon, on est au cinéma…
Enfin, vous voyez ce que je veux dire.
PS : J’allais oublier. En plus d’avoir celui qui fut Messala (avec les yeux marrons et pas bleus comme ici), nous avons droit à une course de char en plein air qui vaut elle aussi le détour !
- Je ne résiste pas à vous donner son titre latin intégral : Imperator Caesar Lucius Aelius Aurelius Commodus Augustus Pius Felix Sarmaticus Germanicus Maximus Britannicus. Rien que ça !
- Dion Cassius, historien romain contemporain de cette période, envisage que Commode aurait lui-même fomenté son empoisonnement.