Il est bientôt cinq heures à Grand Central Station.
C'est la sortie des bureaux et tout le monde se rue afin de prendre son train vers la maison.
Et puis elle apparaît : Lydia (Amanda Plummer).
Alors le temps s'arrête. Ou plutôt, il s'écoule différemment. La lumière change, la musique s'intensifie : c'est une valse. Et les New Yorkais pressés se mettent en couple et dansent sur ce rythme ternaire alors que la pendule de la gare égrène les minutes, surmontée d'une boule à paillettes qui accentue la magie de l'instant.
Et puis le premier coup de cinq heure retentit. La musique s'arrête. Chacun repart vers sa destination.
Parry (Robin Williams) est heureux. Il attend demain avec impatience.
C'est - à mon avis - l'une des plus belles scènes du film. Terry Gilliam arrive à faire sortir la magie de n'importe quel lieu. il suffit de le laisser faire. C'est d'ailleurs l'une des rares choses qu'on l'a laissé faire, vu que ce film est une commande. Les Oulipiens disaient - avec justesse - que « la contrainte est libératrice. »
Encore une fois, ils ont raison. Il y a dans cette histoire plutôt convenue une émotion et une magie qu'on retrouve dans les films de Gilliam.
Jack Lucas (Jeff el Duderino Bridges) est un animateur de radio qui a eu une parole de trop. Résultat : un homme est entré dans un bar et a flingué à tout va avant de se tuer. Parmi les victimes, la femme du professeur Henry Sagan. Et Henry Sagan, c'est Parry.
Depuis, c'est la descente aux enfers, auprès d'Anne (Mercedes Ruehl), bien bonne d'avoir récupéré une telle épave.
Mais cette épave n'a pas encore touché le fond. et au moment où elle le fait, au moment où soit on coule définitivement, soit on prend appui pour remonter, intervient Parry et son armée de clochards.
Alors Jack va découvrir qui est Parry et malgré lui, l'aider. Vraiment.
Jack fait partie de ces héros égoïste, égocentrique, égotique... Bref, c'st tout de même un sale type. Mais heureusement, il rencontre le professeur Sagan. Va alors commencer une thérapie bilatérale. Chacun va se nourrir de l'autre, lui parler, l'écouter, essayer de le comprendre et de l'aider.
Mais cette thérapie ne suffit pas. Il y a un but suprême à cette rencontre : une quête. LA Quête : le Graal. Et comme toujours, la route vers le Graal est semée d'embûche, en l'occurrence le Chevalier Rouge, un ennemi redoutable.
Mais, seul Parry voit ce Chevalier Rouge...
Il n'intervient pas très souvent : à chaque fois que Parry est heureux ou en passe de l'être.
Il y a un parallèle évident entre Parry et Sam Lowry, le héros de Brazil :
- Lowry s'enfonce dans les ennuis, alors il s'endort et rêve. C'est sa seule façon d'échapper au cauchemar quotidien.
- Parry a une vie nulle, dans la rue. Mais à chaque fois que sa vie va s'éclairer, le rêve le prend éveillé pour l'empêcher d'accéder à ce bonheur promis.
Mais Jack est là. et Jack, en sauvant Parry ne cherche qu'une chose : se sauver lui-même. Je vous l'ai dit, c'est un égoïste. Mais alors qu'il pensait s'en tirer avec quelques billets lâchés à un pauvre clodo, il se retrouve impliquer dans une quête mystique et médiévale dont il ne pourra pas sortir indemne. Comme dans toute belle histoire, le héros finira transfiguré. Il n'est plus lui-même. Il est devenu quelqu'un d'autre, de meilleur : la fameuse rédemption chère aux Américains !
Toujours est-il que cette rédemption passe par New York. Une autre ville. Pas celle de Woody Allen ou Scorsese (et les autres). Non. C'est une ville pleine de mystère où chaque coin de rue recèle ses mystères dissimulés par des nappes de brume opportunes.
Et puis il y a les femmes. Que seraient les chevaliers errants sans une dulcinée à (re)conquérir ?
L'une, c'est Lydia est une femme insignifiante. Elle n'a pas des manières bien évoluées (il faut la voir au restaurant jouer avec la nourriture et Parry pour comprendre). Mais aux yeux de Parry, c'est la plus belle femme du monde. Il est prêt à tout pour elle.
L'autre, c'est Anne. Une femme forte. Mais qui se laisse entraîner dans cette quête de rédemption avec de plus en plus de plaisir... Jusqu' à ce que Jack redevienne Jack... Mercedes Ruehl est magnifique !
Bref. Un film magique.