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Le Monde de Djayesse

Le Monde de Djayesse

Un peu de tout : du cinéma (beaucoup), de l'actu (un peu) et toute cette sorte de choses [A bit of everythying: cinema (a lot), news (a little) and all this kind of things]

Publié le par Djayesse
Publié dans : #Cinéma, #Muet, #Western, #Allan Dwan, #Douglas Fairbanks
Le Métis (The Half-Breed - Allan Dwan, 1916)

Lo Dorman (Douglas Fairbanks) est un parai : né d’une mère indienne et d’un père blanc (1), il est rejeté de tous pour son appartenance à l’ethnie ennemie dans chaque camp.

A la mort de son bienfaiteur, chassé de ce qui fut son foyer, il arrive en ville où il est à nouveau rejeté, surtout que la belle Nellie n’est pas insensible à son charme.

Mais le père de cette dernière, le révérend Wynn (Frank Brownlee), ne voit pas d’un si bon œil cette relation inintéressante.

Surtout que le shérif Dunn (Sam De Grasse) et le jeune Brace (George Beranger) ont des vues sur la jeune fille ;

Ajoute2 à cela que Dunn est le père biologique de Lo, et vous avez un western fort particulier,

 

Avant toute chose, il nous faut remercier la Cinémathèque française et le Festival du film muet de San Francisco qui ont permis la restauration de ce film qui fut longtemps incomplet. Si quelques fragments sont malheureusement irrémédiablement abimés, la copie présentée est de toute beauté et l’image très nette.

Bref, une petite perle comme Hollywood savait en faire, et surtout un duo gagnant Fairbanks-Dwan pour notre plus grand plaisir.

 

Alors qu’on connaît Fairbanks pour ses comédies menées à bâton rompu où ses aptitudes athlétiques sont mises en valeur, ce film est d’un tout autre genre, mêlant à ce qui aurait pu être une comédie endiablée une touche d’amertume due essentiellement au statut bancale de notre métis.

La toute première séquence donne tout de même le ton : la jeune squaw abusée par l’homme blanc confie son fils à un botaniste ermite avant de se suicider du fait de son exclusion du monde des hommes.

 

On retrouve dans cette intrigue un élément des plus importants de la culture américaine : le statut incommode de métis. En effet, la société américaine a tendance à mettre ses citoyens dans des classes plutôt définies, qu’elles soient physiques ou morales (religieuses surtout), tenant les métis dans un espace en marge de cette société, étant incapable de le ranger dans une de ces classes du fait de son identité physiologique.

Et dans le cinéma muet, on retrouve souvent les métis dans des rôles sournois ou/et mauvais, rappelant d’une certaine façon qu’il n’est qu’un bâtard, avec toute la morgue que cela comporte.

 

Le fait qu’on trouve Fairbanks dans ce rôle atypique est assez courageux de sa part ainsi que de celle d’Allan Dwan (sur un scénario de la grande Anita Loos). En effet, avec ce film, ils nous montrent l’injustice faite à tous ces métis qui ont de tout temps été rejetés du fait de leur naissance (2).
Et en plus de cette injustice, on retrouve une certaine hypocrisie de cette même société à travers le révérend Wynn, qui prêche la tolérance envers ceux qui sont différents sans pour autant accepter que sa fille puisse avoir une relation amoureuse avec cet Indien-là !

 

Il n’est donc pas étonnant que Lo soit montré comme un personnage des plus sympathiques, considéré par de nombreuses personnes comme un homme (de) bien, loin des clichés de l’époque (3), mais sans pour autant amener ce métis à être accepté par la bonne société de la ville d’Excelsior, à l’écart de laquelle notre métis vit, dans le renfoncement d’un de ces séquoias qu’on peut admirer en Californie.

Parce que de toute façon il ne sera jamais accepté, le film se termine sur une touche plutôt amère, Lo Dorman (4) se retrouvant forcé à l’exil, toujours en mouvement tant qu’il n’aura pas trouvé un lieu assez accueillant pour s’y installer.

Pas étonnant non plus qu’il trouve une alliée dans le personnage de Teresa (la belle Alma Rubens), qu’on imagine d’origine mexicaine, et par là-même ostracisée elle aussi.

 

Il est étonnant par contre, après avoir vu ce film tout compte fait fort humaniste, de retrouver l’année suivante Douglas Fairbanks dans Wild and Woolly : les Indiens y étant décrits de façon peu flatteuse.

 

  1. Non, ce n’est pas un missionnaire !
  2. Il est clair qu’on ne choisit pas la famille dans laquelle on arrive, encore plus quand il s’agit d’une relation considérée pour l’époque comme honteuse.
  3. J’en ai déjà parlé dans Wolfblood (1925).
  4. De son vrai nom « L’Eau Dormante » (« Sleeping Water » est-il appelé dans le film) : la prononciation française étant fort compliquée pour les anglophones, donne ce patronyme étrange.
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