Quarante ans !
Cela faisait quarante ans que je n’avais pas vu ce film et je dois avouer qu’il n’a rien perdu de sa force.
Alors qu’il est en villégiature avec son épouse Louise (Randy Stuart), Scott Carey (Grant Williams) est nimbé d’un nuage étrange, laissant des particules argentées sur sa peau (qui partent quand on les essuie). Six mois plus tard, il remarque que ses vêtements sont trop grands. Encore plus tard, le doute n’est plus permis puisqu’il ne mesure plus que trois pieds (
La dernière fois, je n’avais que 14 ans et ce film m’avait impressionné pour sa seconde partie, celle où Scott est en proie à des éléments maléfiques (naturels).Mais maintenant que j’ai grandi, je rends compte que ce film, même s’il est de série B (2), est d’une très grande qualité cinématographique. Et Jack Arnold est très certainement un réalisateur sous-évalué. Mais revenons à notre histoire.
Il est clair que le travail de Russell A. Gauman & Ruby R. Levitt est d’une immense qualité : ce sont les deux personnes responsables ders décors du film. Parce que si cette intrigue se lance quand Scott se rend compte que ses vêtements sont trop amples (3) pour lui, c’est quand ces deux personnages entrent en scène (enfin font leur travail) que le film prend toute sa dimension et surtout son intérêt.
Mais c’est aussi parce que Jack Arnold a mis en scène une séquence magnifique qui nous révèle que le personnage a fortement réduit : Scott a une discussion avec son frère Charlie (Paul Langton), engoncé dans un fauteuil dont nous ne voyons que le dossier. Et Arnold va tirer jusqu’au bout le moment – très attendu – de la révélation. Scott a réellement beaucoup diminué !
La suite va être plutôt brève mais amener l’irrémédiable issue : Scott est trop petit pour qu’on s’intéresse véritablement à lui. Et même si Louise espère encore, Charlie la dissuade d’espérer : Scott a été dévoré par le chat.
Si nous savons qu’il n’en est rien, nous ne pouvons que louer l’habileté du scénario qui fait basculer le film dans un genre aventurier des plus bienvenus. Mais, et à mon avis, ce n’est que l’aspect émergé de l’iceberg. En effet, on peut diviser le film en deux parties : les effets de la radioactivité (4) ; la vie après, à hauteur de vue. Et Arnold est formidable dans cette deuxième thématique.
Outre les différents objets qui évoluent selon le personnage qui les utilise – un clou ou une épingle – il y a chez Arnold une propension à annoncer ce qui va suivre.
Le générique de présentation nous montre une silhouette qui va en diminuant et ne disparaît qu’une fois Jack Arnold annoncé. Nous savons donc à quoi nous attendre.
Mais cette sorte de prémonition va baigner le film : Arnold va toujours annoncer les différents épisodes que nous allons suivre. Cela commence par l’apparition de Butch mais cela est suivi par, (dans le désordre), celle de la toile d’araignée qui emprisonne le gâteau abandonné par Louise, ou encore l’alliance de Scott qui prend sa liberté : Scott a tellement rétréci que ses doigts sont trop fins pour retenir cet anneau témoin de leur mariage.
On peut donner deux interprétations de cette fuite annulaire : la freudienne qui annonce l’impuissance de ce mari qui rétrécit (comme autre chose…) ou/et l’annonce du délitement du mariage (en tout bien tout honneur.
C’est cette dernière explication que je préfère retenir puisque nous sommes dans une dynamique prémonitoire. Si l’anneau glisse du doigt de Scott parce qu’il rétrécit, c’est avant tout un signe avant-coureur de séparation. Si l’alliance ne tient pas, c’est aussi parce que ce qui arrive à Scott je peut présager d’un mariage long : comment peut-on conserver un amour identique envers une personne qui est appelé à disparaître ?
Cette cave, d’ailleurs devient un espace d’expérimentation formidable, véritable nouveau monde pour un tout petit homme.
Mais c’est à ce moment qu’intervient la véritable métamorphose du film :
Alors que sa diminution est inéluctable, il ne va s’en rendre compte que quand il sera menacé dans sa chair : le combat avec l’araignée ne peut pas être oublié (5). Mais ce combat est avant tout l’illustration d’une dernière prémonition : celle de Clarice (April Kent). Scott, déprimé, va la rencontrer alors qu’il côtoie une foire vantant les mérites de ses différents monstres (6) : ce qu’elle va lui dire va se retrouver dans cette deuxième partie plutôt hostile : il faut qu’il accepte ce nouveau présent qui s’offre (involontairement à lui).
Bien entendu, il le fera, introduisant une conclusion très relative de très bon aloi.
Outre ce qui a été écrit plu haut, ce film est avant tout l’illustration d’un roman d’anticipation. On peut même légitimement se dire que Richard Matheson n’a écrit ce roman qu’en se disant qu’il serait adapté au cinéma (ce qui est donc arrivé), C’est d’ailleurs lui qui en a signé l’adaptation…
C'est un film qui ne dégage toute sa saveur que quand il est revu…
- Qui était aussi la première !
- Un de ses films qui passaient en première partie de ces fameux « double feature shows », censés préparer le public à quelque chose d’encore plus formidable. J’espère que le film principal était à la hauteur de celui-ci...
- Faites-vous la liaison quand vous lisez ?
- Eh oui, encore un héritage atomique : nous sommes en 1957…
- Comme je l’annonçais, impossible de l’oublier !
- J’espère que vous avez vu Freaks…