Chaque gangster en rêve : le gros coup, celui d’une vie. Celui qui permettra de se retirer et de vivre une longue existence de félicité.
Ils sont cinq : George Peatty (Elisha Cook Jr), Randy Kennan (Ted de Corsia), Marvin Unger (Jay C. Flippen), Mike O’Reilly (Joe Sawyer), et bien entendu, le cerveau de la bande, Johnny Clay (Sterling Hayden). Leur coup : la caisse de l’hippodrome, un jour de grand prix. Deux millions de dollars. En 1955, c’est énormément d’argent. En plus des cinq partenaires, s’ajoutent deux complices, sorte d’extras qui, s’ils ne sont pas partie prenante du casse vont tout de même le faciliter.
Nous assistons donc – avec jubilation – au déroulement de ce casse dans ses moindres détails.
Voici le film qui a véritablement lancé Kubrick. Il s’agit d’une chronique. Chaque geste est pensé, préparé, et exécuté avec minutie. Tout comme le montage du film. C’en est d’ailleurs l’atout. Kubrick rompt avec le temps linéaire. Il fait sans cesse des retours dans le temps afin de mieux nous faire apprécier ce coup de maître. Le casse est filmé selon différents angles, selon différents points de vue. Nous voyons, de fait, trois fois les préparatifs de la course.
A chaque nouveau point de vue du casse, nous avons un rappel de ce que nous savons et un autre angle de vue : celui de Mike, celui de George et celui de Johnny. Et en fin de compte, nous, spectateurs, comprenons le rôle de chacun et son implication dans le résultat final.
Mais comme toujours dans ces cas-là, il y a un grain de sable. Il n’est pas question que les gangsters s’en tirent. Nous sommes en 1955. Alors il y a un grain de sable. Ou plutôt deux : Sherry (Marie Windsor), la femme de George, et la mémère au chienchien. Chacune d’elle fera capoter l’opération : Sherry auprès des complices de Johnny ; la mémère pendant la fuite de ce dernier, à l’aéroport.
Cette scène finale est tout bonnement extraordinaire : une valise qui ferme mal, un chienchien à sa mémère qui s’échappe et tout est dit. Johnny Clay est groggy. Il vient de prendre le coup de sa vie, après avoir organisé le casse du siècle. Une scène inoubliable.