Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le Monde de Djayesse

Le Monde de Djayesse

Un peu de tout : du cinéma (beaucoup), de l'actu (un peu) et toute cette sorte de choses [A bit of everythying: cinema (a lot), news (a little) and all this kind of things]

Publié le par Djayesse
Publié dans : #Cinéma, #Muet, #Peplum, #Cecil B. DeMille
Le Roi des rois (The King of Kings - Cecil B. DeMille, 1927)Re

Quatre ans après les dix Commandements, Cecil B. DeMille tourne un nouveau film religieux. Mais quel film : la vie de Jésus.

Certes, il y a une part de prosélytisme dans sa démarche, mais ce n’est pas ce qui nous intéresse ici.

Pendant la première partie du film, DeMille nous propose un résumé des grands épisodes de la vie de Jésus : une espèce de best of tiré des quatre Evangiles.
La deuxième partie traite de la Passion : de la Cène à la Résurrection.

Tout un programme.

 

 

Le film s’ouvre sur une séquence en Technicolor : chez Marie Madeleine. Tout n’est que calme luxe et volupté, bien entendu. Du pur Cecil B. DeMille. On s’attend à tout moment à ce que des jeunes filles dévêtues fassent leur apparition, mais non. Parmi les invités, on peut aussi reconnaître Sojin Kamiyama*, qui était l’infâme prince mongol dans Le Voleur de Bagdad (Raoul Walsh, 1924).

Le Technicolor sera de nouveau utilisé lors de la séquence de résurrection, dans un festival de fleurs et de colombes.

Parce que ce film est rempli de colombes. Symbole de paix, elle est souvent utilisé dans la Bible (Noé qui l’envoie en reconnaissance, par exemple) et représente aussi l’Esprit –Saint, troisième élément de la Trinité, d’où cette profusion.

Si DeMille ne commence pas le film à la Nativité (comme le fit Niblo dans son Ben-Hur), il n’oublie par pour autant les grands épisodes. Il ne manque que les Noces de Cana et la multiplication des pains.

 

Mais c’est surtout dans la Passion que se révèle son talent. Si H. B. Warner est un Christ acceptable, l’attention se porte plus sur les deux grands disciples : Pierre (Ernest Torrence) et, bien sûr, Judas. (Joseph Schildkraut).

Torrence, qui était plutôt habitué aux rôles de brutes plus ou moins épaisses, nous donne un Pierre formidable : il a l’emportement de sa carrure (plus d’une fois on doit le réfréner), mais aussi, comme l’annonce l’intertitre, un cœur d’or. Il y a beaucoup d’émotion dans son jeu (nous ne sommes pas habitués !) quand il se cantonne au côté spirituel. On en devient presque bouleversé quand il se rend compte qu’il a trahi son Maître.

Joseph Schildkraut est un Judas intéressant : dans la première partie (et même jusqu’à la trahison), il ne comprend rien. Il est à côté de la plaque. Tout ce qu’il fait n’est pas en adéquation avec son Maître. Il a beau avoir les meilleures intentions du monde, rien ne marche. Pas étonnant alors qu’il trahisse. Mais c’est justement quand il a trahi qu’il ouvre – trop tard – les yeux. Son remord est sincère et magnifique : il souffre autant que Jésus.

 

Et il y a le méchant (« pour qu’un film soit réussi… »). Cette fois-ci, c’est Caïphe (Rudolph Schildkraut).

Et c’est là que le bât a tendance à blesser. Certes, Rudolph Schildkraut – père de Joseph qui joue Judas – est très juste. Mais c’est le contexte qui va moins. En effet, Caïphe représente la ligne hébraïque dure. Il est épaulé par Sam de Grasse et d’autres affreux. Mais leur dénominateur commun est une représentation du Juif plutôt équivoque.

Nous sommes en 1927, et les Juifs sont sujets à une considération abaissante, voire à des brimades, quand ce ne furent pas des pogroms. Et ce film n’échappe pas à l’antisémitisme latent qu’on pouvait rencontrer à cette époque (on en trouve aussi trace dans les romans d’Agatha Christie, allez voir). Ici, Caïphe et sa clique sont fourbes et ne vivent que pour (par ?) l’argent. Il y a de la fausseté dans les attitudes et dans les regards. On retrouvera d’ailleurs certaines similitudes d’apparences – hélas, bien que le propos ne soit pas le même – dans Le Juif Süss.

 

 

Mais ne taxons pas DeMille d’antisémite trop vite. Si Caïphe (& Cie) ont ce rôle, il faut avant tout ne pas oublier que le texte sur lequel se base le scénario est d'abord anti-sémite, rejetant la faute de la condamnation du Christ sur les Juifs plutôt que sur les Romains, malgré le lavage de mains de Pilate (Victor Varconi).

Et puis il reste la séquence extraordinaire (et je pèse mes mots) qui suit la Crucifixion. Alors que le ciel s’est assombri et que la tempête se lève, nous assistons à une véritable apocalypse, dans tous les sens du terme :

- la terre s’ouvre, les méchants sont engloutis (etc.) dans un chaos absolu, témoignage de la puissance et de la justice divines ;

- A l’issue de cette démonstration de force, le centurion qui a suivi toute l’affaire (Montagu Love) clame que « c’était bien le Fils de Dieu ».

Un grand moment, sinon LE grand moment du film.

 

Alors évidemment, quand Julien Duvivier, huit ans après, nous propose son Golgotha, on peut faire la fine bouche…

 

 

* A différentes reprises, le spectateur habitué aux films muets peut reconnaître quelques seconds rôles récurrents de cette époque (bénie, cela va de soi) : George Siegmann, Dale Fuller ou encore le petit John George, pour ne citer qu’eux.

Commenter cet article

Articles récents

Hébergé par Overblog