Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le Monde de Djayesse

Le Monde de Djayesse

Un peu de tout : du cinéma (beaucoup), de l'actu (un peu) et toute cette sorte de choses [A bit of everythying: cinema (a lot), news (a little) and all this kind of things]

Publié le par Djayesse
Publié dans : #Cinéma, #Drame, #Orson Welles
La Dame de Shanghaï (The Lady from Shanghai - Orson Welles, 1947)

« Je ne veux pas mourir ». Tels sont les derniers mots que prononce Elsa « Rosalie » Bannister (Rita « Gilda » Hayworth) alors que Mike O’Hara (Orson Welles) s’en va, se reprochant encore une fois sa stupidité.

Encore ? Oui, dès l’introduction, O’Hara nous prévient que ce qui va suivre ne va pas vraiment tourner en sa faveur.

La jeune femme qu’il vient de rencontrer est mariée. A un avocat émérite (et handicapé), Arthur Bannister (Everett Sloane).

Bannister a un associé, George Grisby (Glenn Anders) qui fait une proposition curieuse à Mike : pour 5.000 dollars, il lui demande de le tuer…

 

A l’instar de Charles Foster Kane, Mike O’Hara est à la poursuite d’une chimère : la belle jeune femme qu’il a rencontrée un soir et qu’il a sauvée d’une agression. Il y a dans son attitude une naïveté mêlée de chevalerie qui lui fait perdre la tête, ce qu’il se reproche dès le début.
Mais alors que Kane est un pragmatique et surtout un égocentrique, O’Hara est un idéaliste, parfois un tantinet éloigné de la réalité. Certes il a tué un homme, mais c’était dans des circonstances bien précises : c’était la guerre d’Espagne et l’homme était un espion franquiste.

On retrouve dans cet engagement le même idéalisme que celui de Rick (Humphrey Bogart) dans Casablanca. Mais Rick a mûri, est revenu de ses engagements (encore que…) et a réussi à mener sa barque. Alors que O’Hara n’a pas évolué : il est resté un jeune marin minable, qui prend toujours les mauvaises décisions. On pourrait même se demander comment il a réussi à se sortir de la Guerre d’Espagne en un seul morceau tant cet homme est peu avisé.

 

Toujours est-il qu’il se retrouve dans une histoire sordide et poisseuse comme la chaleur caribéenne qui baigne leur croisière. Il vient de rejoindre un panier de crabes de la pire espèce, comme il s’en rend compte lors d’une escale. Cette prise de conscience (l’une des rares de notre personnage) s’accompagne d’un récit allégorique où il est question de requins qui se dévorent entre eux.

Mais O’Hara n’est pas le seul minable de l’histoire, ses employeurs (1) y tenant leur rôle.

Et d’une manière générale, ce ne sont pas des personnages bien reluisants qui nous sont proposés ici.

Même la séquence du tribunal apporte son lot de petits, enlevant la solennité de l’instant pour des détails triviaux : c’est un juré enrhumé qui interrompt par deux fois les avocats, ou un autre qui rit bêtement d’une déclaration de Bannister confirmant qu’il appartient au barreau (2). Quant au public, il ne se montre attentif que quand cela devient crapuleux, se redressant pour ne pas perdre une miette des bribes scandaleuses qui s’annoncent.

 

Mais si le cadre et les protagonistes sont pitoyables, le film de Welles reste tout de même un grand moment dans sa filmographie. Et bien sûr l’incontournable séquence dans le palais des glaces où a lieu l’explication (3) finale. Welles joue sur le lieu en renvoyant différentes images des trois personnages (Elsa, Mike et Arthur) multipliées à l’envi, auxquelles s’ajoutent des plans fixes incrustés de ces mêmes personnages. Et quand les miroirs se brisent, la caméra elle-même semble avoir pâti de la fusillade : le cadre porte des stigmates de brisures.

Mais même là, alors que nous assistons à un grand moment, la fin n’a rien de glorieux, comme en attestent les derniers mots d’Elsa (voir plus haut) : un immense gâchis pour de sombres histoires d’argent.

 

Et malgré cette médiocrité ambiante, on ne peut oublier Rita Hayworth. Certes, elle n’a plus sa chevelure rousse qui l’avait porté au pinacle hollywoodien : elle est blonde aux cheveux coupés courts. Mais elle n’en demeure pas moins magnifique, véritable femme fatale (à plus d’un titre) blonde qui peuple les films hollywoodiens pendant les décennies 40 et 50.

Avec ce film Rita Hayworth devient certainement l’une des plus grandes, sinon la plus inoubliable.

 

  1. Il est engagé par Bannister comme marin pour une croisière dans les Caraïbes.
  2. Il est « member of the Bar », soit membre du barreau mais Bar peut aussi signifier le débit de boissons, ce qui pourrait expliquer l’hilarité gênante de ce monsieur, d’ailleurs rabroué par sa voisine.
  3. Dans tous les sens du terme.

 

Commenter cet article

Articles récents

Hébergé par Overblog