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Le Monde de Djayesse

Le Monde de Djayesse

Un peu de tout : du cinéma (beaucoup), de l'actu (un peu) et toute cette sorte de choses [A bit of everythying: cinema (a lot), news (a little) and all this kind of things]

Publié le par Djayesse
Publié dans : #Cinéma, #Drame, #Orson Welles
La Splendeur des Amberson (The magnificent Ambersons - Orson Welles, 1942)

Etre invité chez les Amberson, dans cette petite ville américaine, c’est comme l’être chez les Vanderbilt à New York à la même période. Il faut dire qu’ils possèdent une immense demeure aux hauts plafonds, sont immensément riches et surtout ont une fille belle comme le jour, Isabel (Dolores Costello). Mais son cœur est déjà paris par le jeune et beau Eugene Morgan (Joseph « Jed » Cotten), brillant inventeur dont le prototype, l’automobile, va faire parler de lui.

Malheureusement, il suffit d’un coup du sort pour tout contrecarrer : un verre de trop. Un verre de trop et on titube un petit peu plus, alors on tombe… Sur la contrebasse ! La sérénade attendue par Isabel n’aura donc pas lieu, et Eugene devient persona non grata.

Isabel se marie avec Wilbur Minafer (Don Dillaway) et Eugene quitte la ville.

Vingt ans plus tard, Eugene revient : il est veuf et a une fille, Lucy (Anne « Eve » Baxter), pendant qu’Isabel un fils, George (Tim Holt).

Et quand Wilbur va mourir, George va tout faire pour éviter que sa mère épouse Eugene, la rendant malheureuse…

Bien sûr, il y a aussi une histoire (presque) d’amour entre George et Lucy, mais comme celle des parents, elle n’est pas résolue quand se termine le film.

 

Orson Welles (qui assure ici la narration) avait fait très fort pour son premier film. Il revient un an plus tard avec un film encore plus fort, porté par une partie de ceux qui étaient déjà là avant, et pas seulement les interprètes !

Malgré tout, ce fut un échec retentissant. Il faut dire que la guerre était passée par là et cette histoire malheureuse du siècle passé (pour les spectateurs de l’époque) devait certainement moins intéresser que les exploits guerriers de « nos p’tits gars ».

Toujours est-il que Welles démontre à nouveau son talent, jouant avec la caméra de Stanley Cortez et de fabuleux éclairages qui soutiennent à la perfection cette intrigue très noire.

La maison Amberson, du fait de ses dimensions et surtout cet éclairage, devient l’autre personnage principal de ce film : un immense manoir qui en devient étouffant par la présence du dernier – en titre – de la lignée, le jeune George.

 

Et Welles, à travers cette incroyable fresque familiale, nous plonge dans le déclin aristocratique qui a précédé la première Guerre Mondiale. Ce déclin est bien sûr accentué par la personnalité répugnante du benjamin, tandis que le peuple se construit ses propres héros valeureux (moralement et financièrement) en la personne de Morgan.

Et on peut d’autant plus dire que l’ascension de Morgan va causer la (presque) perte de George, puisqu’il est – ironiquement ? – renversé par une voiture.

La voiture est d’ailleurs un élément central de cette intrigue : alors qu’elle va se développer – nous en sommes les témoins quotidiennement – George va persister à vivre dans cette « splendeur » passée, annoncée par le titre français (1). La ville, les gens – et donc le monde – évoluent pas George régresse, encouragé par une mère (trop) aimante qui lui sacrifie tout jusqu’au bout, jusqu’à son bonheur mérité, que de toute façon il aurait piétiné !

 

Parce que George est le « méchant » de ce film. Mais comme nous évoluons dans un milieu distingué, sa méchanceté se noie dans son statut : il est riche donc égoïste et arrogant, ce qui semble un pléonasme chez lui. Et la prestation de Tim Holt est à souligner, tout comme celle des différents interprètes principaux. Et si Joseph Cotten tient (enfin) de l’affiche avec Dolores Costello, il ne faut pas non plus oublier les deux autres actrices primordiales : Anne Baxter bien entendue, et surtout Agnes « Endora » Moorehead (Fanny Minafer). Cette dernière, un petit peu plus qu’aperçue dans Citizen Kane, interprète une superbe vieille fille, avec le dépit qui va avec. En effet, alors que George pense que Morgan est revenu pour Fanny, il n’y a aucun doute pour cette dernière. Et sa relation avec ce neveu insupportable donne lieu à deux très beaux affrontements, l’un sur le palier de la cage de l’immense escalier, l’autre contre la chaudière froide. A chaque fois, le cynisme se mêle au tragique (voire au pathétique) dans leur relation. Pour des spectateurs comme moi qui avons découvert cette actrice dans Bewitched, c’est assez étonnant (la première fois !).

 

Et Welles déroule, comme on dit, brossant le paysage américain de fin de siècle (et de lignée…), avec beaucoup de justesse et surtout beaucoup de talent, parsemant tout de même quelques touches ironiques bienvenues : les styles vestimentaires décrits et illustrés au tout début par Joseph Cotten, et surtout le clin d’œil à son précédent film : Eugene Morgan est un lecteur de l’Inquirer. Or l’Inquirer était le journal de départ de Charles Foster Kane ! De plus, on peut y apercevoir une annonce (en première page et avec illustration) pour la revue théâtrale de Jed Leland (2) !

 

  1. Certes, ce n’est pas une traduction littérale, mais elle convient très bien au film.
  2. Rappel pour les rares personnes qui n’ont pas encore vu Citizen Kane : Jedediah « Jed » Leland est l’ami de Kane à ses débuts et tient une rubrique théâtrale dans son journal !
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