Quel western !
John Ford nous donne la fin de l’ouest sauvage et l’avènement inexorable de la civilisation.
D’un côté, les cow-boys sans foi ni loi, et de l’autre, James « Ransom Stoddard » Stewart et son code civil.
Dès le début, nous savons qui va l’emporter. Et ce n’est pas le plus important dans ce film. Non, le plus important, c’est le processus démocratique inéluctable qui transforme ce grand pays que sont les Etats-Unis.
Et c’est Stoddard qui en est le fer de lance, aidé de Peabody, le directeur du journal de Shinbone.
John Ford a toujours eu beaucoup d’amour pour son pays. Fils d’immigrés irlandais, il a toujours respecté la terre qui a accueilli ses parents. Les immigrés ont toujours un rôle important dans les films de Ford. Il faut voir pour s’en convaincre la présence régulière de John Qualen et de ses rôles d’immigré attachant. Cet acteur, un peu oublié et effacé par rapport aux géants qu’étaient Wayne et Stewart, a ici encore le rôle de l’étranger (suédois) intégré. Celui qui affiche ses racines mais est encore plus fier de faire partie de cette grande démocratie. Cet immigré ainsi que sa femme vont soutenir Ransom et sa Loi.
En effet, ne pouvant se reposer sur un flingue (revolver ou fusil), il utilise la Loi pour se protéger et protéger les autres.
En face de lui, Lee « Liberty Valance » Marvin qui représente les hors-la-loi, mais aussi les gros propriétaires terriens anti-démocratiques. Liberty Valance ne connaît qu’une seule loi, celle du plus fort, c'est-à-dire celui qui tire le mieux au pistolet.
Et entre les deux, John « Tom Doniphon » Wayne. Il est du côté de Stoddard, mais il a le même raisonnement que Valance : celui qui tire le mieux l’emporte.
Comme nous savons que de toute façon, Stoddard l’emportera, John Ford nous décrit avec précision comment un territoire va devenir un Etat de l’Union. Mais ce film est aussi un film très nostalgique. En effet, Stoddard est revenu à Shinbone pour enterrer un vieil ami : Tom Doniphon. Il y retrouve le shérif (formidable Andy Devine en couard) qui emmènera sa femme (Vera Miles, très forte, très fordienne) à l’ancienne maison de Tom Doniphon. Et l’émotion ne nous quittera que quand Stoddard racontera son histoire. Celle de « l’homme qui tua Liberty Valance ».
Autre thème fordien : les gens normaux. Toutes ces petites gens, avec leur force et leurs défauts qui forment un monde attachant, amusant et aussi émouvant. La scène qui illustre le mieux – à mon avis – le monde de Ford est celle de la classe : y sont réunis des adultes et des enfants, des hommes et des femmes de toute nationalité ou ethnie. On y croise le shérif venu contrôler le travail de ses enfants au profil plutôt mexicain (la Cantina est tenue par son beau-frère) ; Mme Ericson (Suédoise) ; Pompey (Noir) ainsi que des cow-boys du terroir qui sont ici plus ou moins de leur propre choix. Et tous sont là pour apprendre à lire mais aussi pour apprendre la démocratie, que Stoddard va leur enseigner.
Et quand Liberty Valance est tué, c’est le dernier frein à l’essor de la République américaine qui tombe. Le territoire sera Etat de l’Union.
C’est la fin du règne des pistoleros. La démocratie a gagné.
Finalement, une telle conclusion s’imposait pour l’avant-dernier western du Maître.