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Le Monde de Djayesse

Le Monde de Djayesse

Un peu de tout : du cinéma (beaucoup), de l'actu (un peu) et toute cette sorte de choses [A bit of everythying: cinema (a lot), news (a little) and all this kind of things]

Publié le par Djayesse
Publié dans : #Cinéma, #Guerre, #Fred Zinnemann, #Marlon Brando
C'étaient des Hommes (The Men - Fred Zinnemann, 1950)

Ces Hommes, du titre (original ou non), sont ceux qui sont revenus d’Europe, dans la première moitié des années 1940, entiers, mais pas tant que ça : tout comme Ken Wilocek (Marlon Brando), ils sont revenus paraplégiques. Et bien sûr sans véritable espoir de remarcher un jour.

Ken Wilocek était en Allemagne quand c’est arrivé : une balle dans le dos a réduit tous ses espoirs à néant. Maintenant, il végète dans un hôpital militaire tenu par le singulier Dr. Brock (Everett Sloane), refusant toute visite. Et comme il est orphelin, il n’y a qu’une visite qu’il refuse : celle d’Ellen (Teresa Wright), qu’il devait épouser.

Mais ça, c’était avant. Avant la guerre et ses conséquences.

 

Une étoile est née.

Avec ce premier film, c’est la révélation ! Marlon Brando, malgré l’échec retentissant du film, est en route pour devenir l’un des plus grands acteurs du cinéma américain. Il faut dire que son interprétation de Ken Wilocek ne laisse pas indifférent. Il est ce vétéran désespéré, appelé à un brillant futur et qui est abattu dans la fleur de son âge, comme ils disent. ET Brando s’en sort à merveille, donnant une interprétation très juste et surtout une superbe performance, réussissant à éviter une quelconque dérive pathétique voire larmoyante qui aurait pu gagner le film.  Parce qu’à aucun moment, il est fait appel à la pitié du spectateur. Certes, leurs conditions de vie ne sont pas faciles, et surtout leur état d’esprit.

 

Parce que quand le film sort, la place du handicap dans la société (‘américaine ou autre) n’est pas vraiment acceptée : il suffit de voir le changement d’atmosphère dans le restaurant où se rendent Ken et Ellen pour s’en rendre compte : tous les regards sont braqués sur eux, mélange de honte, de pitié et de dégoût que Ken ne peut pas supporter. Et cette atmosphère gênante est accentuée par la chanson qui accompagne la séquence dans laquelle la chanteuse déclare « les hommes comme toi rendent ma vie utile » (1) : on ne peut qu’associer ces paroles à la situation d’Ellen face à cette nouvelle vie qui s’ouvre à elle.

Ouvrir est peut-être un bien grand mot tant les difficultés à venir vont s’amonceler.

 

En effet, outre le regard des autres, Ellen doit en plus affronter celui de ses parents qui, sous des dehors affables et presque heureux qu’elle se marie avec Ken, sont eux-mêmes désespérés de cette union qui en devient, à leurs yeux, contre nature ! Comme si le handicap était contagieux. Et l’adaptation française du titre du film (2) va dans le même sens : l’utilisation du passé dans le titre va à l’encontre du propos du film : alors qu’on encourage Ken à essayer de mener une vie presque normale, le traducteur rabaisse les gens dont on parle, les traitant (presque) comme des sous-hommes.

En effet, l’intertitre d’introduction est sans équivoque : ces hommes le sont à plus d’un titre (des hommes), se battant une deuxième fois pour leur vie. La première, ce fut avec des armes, à la guerre. La seconde, c’est sans armes, mais avec le même engagement (indispensable). Et si ces hommes sont diminués par leur handicap, ils n’en demeurent pas moins des hommes, avec les mêmes envies, et les mêmes besoins, et les mêmes défauts (3).

 

Et Zinneman filme avec beaucoup de précisions le sort de ces hommes qui se battent pour leur propre dignité, avec leurs joies et leurs découragements, accrochés à un espoir si infime qu’ils n’en parlent presque jamais, celui de remarcher. Et on notera aussi la prestation d’Everett Sloane dans le rôle de ce docteur des invalides. Il y a chez lui un grand professionnalisme qui le fait s’adresser à chacun toujours de la bonne façon, sachant encourager ou réprimander selon l’attitude du malade. Mais il y a aussi du découragement chez lui, surtout quand l’un de ses patients succombe, malgré les soins. Et cela se traduit par un éclat qui malgré tout se comprend : tout comme ses pensionnaires, il est humain, et donc faillible.

Et puis il y a Ellen. C’est un rôle difficile que Teresa Wright interprète avec elle aussi beaucoup de justesse, là encore sans tomber dans l’excès : c’est une jeune femme forte qui va se dresser contre ses parents qui voient d’un mauvais œil donc cette union, mais aussi contre cette société qui ne donne pas (encore) leur place aux handicapés. Et là, ce sont des mutilés de guerre, donc plus acceptés que ceux qui sont nés ainsi et qu’on cache (4).

 

Ce film était une formidable occasion pour leur donner cette place légitime. Malheureusement, entre la fin du tournage et la sortie du film, un peu plus de trois semaines avant (le 25 juin 1950) commençait la Guerre de Corée. La situation avait changé. Le film resta deux semaines à l’affiche et fut retiré. Pas question de montrer des mutilés/handicapés de guerre alors que des jeunes gens partaient se battre pour leur pays (encore une fois !).

Reste un film fort, plus de soixante-dix ans après sa sortie, où Zinneman montrait un rare talent : faire un film de guerre sans la guerre (ou presque) : il recommencera avec Tant qu’il y aura des Hommes où la Guerre a proprement parler ne s’invitera qu’à la toute fin du film, presque de façon anecdotique…

 

  1. “Men like you make my life worthwhile”
  2. Traduction = trahison, je le répète assez ici !
  3. Alcool, violence… Rien ne leur est épargné ou inconnu.
  4. Surtout les trisomiques.

 

 

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