Cette nuit des généraux, c’est celle du 12 décembre 1942 à Varsovie.
C’est la nuit où une prostituée – en outre agent de renseignement allemand – fut tuée abominablement par un général de l’armée allemande.
Et cette nuit-là, seuls trois hauts gradés n’ont pas d’alibi : le général Gabler (Charles Gray) ; le général Kahlenberge (Donald Pleasence) ; et surtout le général Tanz (Peter O’Toole), qu’on surnomme aussi « le Boucher » surtout pour sa participation aux combats sur le front de l’Est où il entraîna un nombre incalculable de soldats dans la mort.
Bien sûr, c’est ce dernier le meurtrier, et l’annoncer n’est pas vraiment raconter la fin : on le sait très rapidement.
Non, l’intérêt est l’enquête, commencée par le major Grau (Omar Sharif) en Pologne et achevée par l’inspecteur Morand (Philippe Noiret) à Hambourg.
Nous sommes toujours dans la décennie qui vit un grand nombre de superproductions internationales avec des vedettes prestigieuses autour de la seconde guerre mondiale. Et pour une fois, la Grande Histoire (1) sert de toile de fond à des petites histoires. En effet, on a souvent vu différentes sous-intrigues émaillant un grand moment historique (Débarquement, Libération de Paris…) et rarement un de ces grands événements passer au second plan pour privilégier une petite histoire qui pourrait presque relever de l’anecdote si on les comparaît.
Mais c’est cette anecdote qui nous tient en haleine, révélant un criminel fort peu commun.
Encore une fois, Peter O’Toole est magnifique dans cet officier absolument déséquilibré, surtout quand on sait qu’il tourna une de ses scènes alors qu’il était ivre ! (2).
C’est d’ailleurs son personnage qui est le plus complexe parce que d’une dualité assez étonnante. Et quand je dis « dualité », c’est parce que je n’arrive pas à trouver un terme mettant en scène une personnalité triple (3) : d’un côté c’est un général on ne peut plus efficace, tirant manifestement vers le sadisme (un général, quoi) ; d’un autre, il est un homme sensible aux enfants (son intervention dans Varsovie est plutôt déconcertante) ; et troisième aspect, c’est un prédateur sexuel aux pratiques d’une barbarie terrible.
De plus, c’est un Nazi dont les goûts picturaux n’ont rien à voir avec ceux du parti : les Impressionnistes portent très bien leur surnom quand il va visiter par deux fois un local rassemblant leurs toiles et attendant que Göring les transfère chez lui.
L’autoportrait de Van Gogh – Portrait de l’Artiste, 1889 – déclenche chez lui une réaction des plus impressionnante, le lien cérébral qui les unit expliquant sa fascination.
Bref, Tanz est un fou dangereux, mais n’est-ce pas ce qu’on attend d’un général nazi ?
Ce film est aussi l’occasion d’apprécier une distribution riche et talentueuse (-comme quoi il n’y a pas que Peter O’Toole…) : outre les têtes d’affiche, on retrouve quelques figurants qui ont trouvé leur place dans le cinéma français de la décennie suivante (Pierre Mondy & Tornade, Raymond Gérôme ou encore Jacques Seiler), mais aussi c’est d’une certaine façon les retrouvailles de Sharif & O’Toole qui avaient partagé la vedette dans l’immense Lawrence d’Arabie.
Les cinéphiles auront aussi remarqué qu’on retrouve quelques participants à La grande Evasion. J’en oubliais presque Juliette Gréco qui chante dans un cabaret alors qu’nue descente de la Gestapo a lieu.
Bref, une Nuit des généraux agréable à (re)voir, mettant en scène une affaire sordide, bien loin des fresques historiques de cette période sombre, précédentes et à venir…
PS : on retrouve l’inévitable – et talentueux – Maurice Jarre pour signer une nouvelle bande originale…
- La conspiration visant à éliminer Hitler et qui connut une issue malheureusement inespérée pour ses participants et le reste du monde, le 20 juillet 1944.
- Yves Boisset raconta qu’il arriva ivre, interpréta comme il faut son rôle et retourna directement à son état alcoolique…
- Si vous avez le terme, n’hésitez pas à me le laisser en commentaire. A moins que ce soit « trinité »…