Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le Monde de Djayesse

Le Monde de Djayesse

Un peu de tout : du cinéma (beaucoup), de l'actu (un peu) et toute cette sorte de choses [A bit of everythying: cinema (a lot), news (a little) and all this kind of things]

Publié le par Djayesse
Publié dans : #Cinéma, #Drame, #Ken Loach
The Old Oak (Ken Loach, 2023)

Murton, Durham County, England.

2016.

Un bus amène des réfugiés syriens dans cette « banlieue » éloignée (de Newcastle ou Sunderland ?). Tout de suite, une animosité point, qui ne quittera pas le « village » dont la principale activité était la mine, tombée en désuétude voire abandonnée à partir de 1984. Et pas seulement à cause des accidents.

T.J. Ballantyne (Dave Turner), qui tient le dernier pub – the old Oak – de la ville a vu ces changements, a servi les mineurs qui sont ensuite devenus des chômeurs. Mais lui accueille ces « migrants » (comme on dit), mettant même à leur disposition – ainsi qu’à la communauté – son arrière-salle qui n’a pas servi depuis une vingtaine d’années, quand l’activité syndicale était encore une réalité et l’espoir toujours dans les yeux des travailleurs menacés.

Aujourd’hui, l’espoir a disparu et ces étrangers sont mal perçus par ceux qui, malgré eux, sont dans la même situation : pauvreté, faim et désespoir.

Mais malgré tout, il reste un tout petit peu d’espoir dans l’œil d’une nouvelle arrivante, Yara (Ebla Mari), qui arrive avec sa famille – sans son père en prison – et son appareil photo. C’est avec cet œil qu’elle veut encore voir l’espoir.

 

Est-ce le dernier film de Ken Loach ? (1) J’espère que non, mais faute de savoir, il faut le voir – et le vivre –comme si c’était le dernier. Et – encore une fois, c’est une apothéose. On y retrouve tout ce qui a constitué son cinéma, l’aspect social des relations humaines, mâtiné d’une nouvelle dose d’actualité héritée de la mondialisation : les réfugiés. Et Loach, en plus de montrer certaines similitudes entre ces nouveaux arrivants et les « Anglais de souche » (2) : la misère essentiellement entre ceux qui ont tout perdu à cause de la guerre, et les autres à cause du capitalisme débridé (merci Thatcher et les autres !). Et il semble le seul à le voir !

Tout comme il est le seul – au début en tout cas – à voir cette similitude dans le combat pour la vie qu’il va ranimer avec Yara : il faut survivre et pour cela, il faut être ensemble et, comme le dit l’un des slogans des luttes passées, « manger ensemble » !

 

Parce que manger est la préoccupation première de tous. La réouverture de son arrière-salle en cantine devient alors le véritable espoir de cette banlieue lointaine qui l’est encore plus depuis que l’Etat s’en est retiré. Certes, nous sommes au nord-est de l’Angleterre, mais la situation ainsi que l’architecture des maisons rappelle des situations similaires dans le Nord de la France, ces Hauts-de-France que l’Etat français a peu à peu abandonné, diminuant progressivement les services publics comme peau de chagrin. Alors cette histoire de solidarité devient universelle, et Loach, malgré tout veut croire à cet espoir essaimé par Yara et TJ.

Et cet espoir va un tantinet à l’encontre de la tendance communautariste qui s’implante un peu partout dans l’Angleterre : c’est parce qu’on se tourne vers les autres, qu’on partage et qu’on est TOUS ensemble que les choses peuvent changer.

 

Mais la route est longue et semée d’embûche pour y arriver – si jamais on y arrive. La première difficulté est bien sûr la xénophobie qui s’exprime par un racisme plus ou moins ordinaire : « je ne suis pas raciste mais… » est là encore proféré, et s’il n’est pas question « étrangers qui viennent nous enlever le pain de la bouche » (3), c’est avant tout parce qu’il n’y a pas de pain !

Et cette situation de misère (cachée) est très bien exposée lors du premier repas servi dans cette cantine névralgique : le jeune Max (Alex White) prend son repas dehors, à l’abri des regards, parce qu’on a sa fierté, tout de même.

Et TJ exprime magnifiquement son geste : ce n’est pas de la charité, mais de la solidarité ! Ce que ses « amis » (4) du pub ne comprennent pas, regardant ces étrangers par le petit bout de la lorgnette et ne voyant en eux que des terroristes musulmans.

Et puis il y a les images. Loach a choisi des teintes grises qui donnent à son film une impression constante de noir et blanc, contredite sporadiquement par les pantalons en jean (5) ou encore les rares carrés d’herbe encore présents dans cet environnement urbain. Ces teintes colorées sont de (trop) rares bouffées d’oxygène dans cet univers de désespoir. C’est avant tout dans les couleurs qu’il faut donc trouver l’espoir qui manque à tous ces gens.

Et Loach va utiliser cela avec beaucoup de maîtrise réservant la plupart du temps les séquences colorées pour ces étrangers : à l’instar de l’œil de Yara, ils sont l’espoir pour cette communauté qu’ils viennent intégrer.

 

  1. A chaque fois, c’est ce qu’il annonce. Il a maintenant 88 ans, ça se pourrait bien.
  2. L’un d’eux, raciste notable violent, se prénomme Rocco (Neil Leiper)…
  3. Autre antienne nauséabonde fréquente dans certains pubs anglais et cafés français…
  4. « Clients » devient une acception plus juste alors, pour ces gens-là…
  5. Textile ouvrier s’il en est !
Commenter cet article

Articles récents

Hébergé par Overblog