Lon Chaney était « l'Homme aux mille visages ».
Pourtant, ici, pour voir son visage, il faut attendre trois quarts d'heure. Le reste du temps, il porte un masque.
Mais l'attente est comblée. Rarement, on a vu un visage aussi défiguré. Il y a de la laideur, de la méchanceté et beaucoup de désespoir dans ce visage.
Comme Lon Chaney ne peut pas toujours montrer son visage, il se rattrape avec ses mains. Elles sont elles aussi très expressives et participent beaucoup à l'intrigue.
L'intrigue ?
Un sortilège entoure l'Opéra Garnier. Un fantôme y rôde et y fait la pluie et le beau temps. Il réussit à remplacer la grande vedette Carlotta (Mary Fabian) par sa doublure Christine Daaé (Mary Philbin).
Mais cette promotion a un prix : elle doit aimer en retour le fantôme à qui elle doit sa renommée. Mais Christine aime Raoul de Chagny (Norman Kerry).
Encore une fois, Lon Chaney a un rôle d'amoureux frustré. Erik, comme plus tard Alonzo (L'Inconnu), aime sans retour. Mais cette fois-ci, quand le masque tombe, on comprend pourquoi. Il est à noter que Mary Philbin, quand elle enlève le masque voit pour la première fois le visage que s'est fait Lon Chaney. Sa répulsion devenant tout d'un coup moins feinte.
Il faut dire que ce visage fut l'un des coups les plus étonnants du cinéma. On avait même prévu des sels dans la salle de cinéma pour d'éventuels évanouissements...
On est aussi frappé par l'utilisation de la lumière et de la couleur dans ce film.
De nombreux filtres de couleurs émaillent ce film, le rapprochant des couleurs réelles. La scène du bal costumé étant par ailleurs la seule rescapée de toutes celles qui furent tournées en couleur. Et grâce au travail dirigé par Kevin Brownlow (loué soit son nom...), nous pouvons maintenant apprécier ce film dans une copie de bonne facture où le brouillard des mauvaises copies a été effacé, nous permettant de savourer une heure trente-quatre de Lon Chaney.
Et puis il y a les ombres. On se croirait presque dans un film allemand de la même époque.
D'ailleurs, le fantôme est avant tout une ombre qu'on aperçoit sur des murs, dans des décors sombres. On ne sait s'il existe réellement.
Ce rôle extrêmement marquant est l'un des plus significatif de Lon Chaney. On ne peut oublier Erik, cet ange du mal qui n'a rien à envier au Méphisto du Faust qui est joué sur la scène de l'Opéra. Oui, Lon Chaney a souffert pour ce visage : son nez saignait, sa peau était tirée par des élastiques et de petits crochets... Lon Chaney reste Lon Chaney !
Mais Erik, malgré son apparence monstrueuse, est humain. C'est un amoureux désespéré. Tout, dans son attitude le montre. Quand il pense avoir trouvé l'amour auprès de Christine, il se rend compte qu'il n'en est rien. Elle aura beau lui promettre de l'aimer pour sauver son amoureux, il se rend compte qu'elle n'en fera rien. Alors Erik n'a rien à perdre. Et sa fin tragique est empreinte d'un désespoir grandiose, la seule possible pour un personnage qui était devenu complètement fou.