Ils s’aiment mais ne peuvent être réunis !
Elle, Tasia (Dolores Del Rio), a été promise au géant Ivan Petroff (Ivan Linow) contre un cheval. Lui, Eugene, doit épouser la douce Varvara (Dorothy Revier) sur ordre du Tsar. Parce que nous sommes dans la Russie tsariste, au milieu des années 1910s, alors que la guerre s’enlise à l’Ouest et que la grogne monte dans les campagnes.
Le véritable problème à leur relation (impossible, donc) c’est que lui est grand-duc alors qu’elle n’est qu’une moujik.
Mais la Révolution va rebattre les cartes et ce qui n’était pas possible le devient. Mais qui dit révolution, dit prise de pouvoir et le général Tanaroff (Andrés de Segurola) veut éliminer tous ceux qui se placent en travers de son chemin. Et Eugene est l’un d’eux…
Voilà une dizaine d’années que les Rouges ont pris le pouvoir en Russie et la période de la Révolution de 17 inspire toujours Hollywood. Cette fois-ci, c’est donc Raoul Walsh qui s’y attelle, dans une histoire d’amour très convenue à l’intrigue sans beaucoup de surprise. Par contre, la bonne surprise, ce sont les différents protagonistes et en particulier Ivan Linow. Walsh utilise à merveille sa stature (1), mais sans pour autant en faire un grand benêt. Petroff est un personnage plutôt repoussant de prime abord – surtout qu’il ne s’est pas rasé depuis un moment – mais qui évolue très bien : après avoir dessoûlé, il ne compte plus épouser Tasia, préférant rester un homme à femmes (2). Plus tard, il sera même l’instrument du destin qui scellera le destin des deux amoureux.
C’est d’ailleurs l’aboutissement de cet amour qui nous le rend vraiment sympathique : complètement remis de ses beuveries en prenant du galon (il devient général), il se rend compte véritablement du pouvoir (plus ou moins volontaire) de séduction de Tasia et c’est malgré tout à regret qu’il l’aide à partir avec celui qu’elle aime : peut-on rêver meilleure preuve d’amour que celle-ci ?
Quant à Dolores Del Rio, elle est, encore une fois, superbe, interprétant une jeune femme forte – il faut quand on est chez Walsh – et intelligente, dont la beauté n’a d’égal que l’engagement. Elle campe un Tasia fière et lucide, véritable chantre de la liberté après ces siècles d’oppression tsariste.
Et on peut aussi dire qu’elle incarne aussi le ressentiment américain quant à ce nouveau gouvernement communiste : elle ne peut suivre cette bande de menteurs et de meurtriers, incarnés par Tanaroff.
Alors face à ces deux personnages, Charles Farrell est beaucoup plus mièvre, incarnant un noble de haute lignée et de haute position : il ne fait pas beaucoup le poids face à la truculence de Petroff et l’engagement de Tasia ! Mais il demeure cet acteur subtil et délicat, et Eugene devient alors celui qui peut amener le calme et la sérénité à cette fougueuse danseuse.
Parce que Tasia danse, mais la « Danse rouge » du titre ne la concerne pas : il s’agit de la révolution russe à proprement parler, avec ses combats, sa violence, ses débordements. Walsh nous gratifie d’une longue séance de bataille de rue avec morts à répétition, charges de cavalerie et pillage, d’une grande portée.
Mais malgré tout cela, et aussi une grande maîtrise technique des deux chefs opérateurs – Charles Clarke et Jack Marta – le film reste tout de même mineur, certainement du fait de l’intrigue amoureuse trop présente, reléguant au second plan ce qui aurait pu devenir une grande épopée historique (3), la Révolution Russe.
Mais ne boudons pas notre plaisir : Walsh sait faire du cinéma, et c’est ce qui importe le plus !
- Deux ans plus tard, il sera Hercule dans le remake de The unholy Three : encore un colosse.
- Par contre, Eugene épouse la princesse Varvara…
- Hollywoodienne, donc avec des approximations, bien entendu…