Cette « lettre écarlate », c’est un A. Celui de l’adultère. Et c’est Hester Prynne (Lillian Gish) qui le porte, en souvenir de sa faute.
Mais reprenons.
Boston, 1645.
La colonie anglaise se développe progressivement, appliquant à la lettre le règlement puritain, pour le bien de ses habitants. Enfin surtout pour leur bien spirituel. Parce que question physique, c’est autre chose : chaque élément de la vie quotidienne peut devenir un affront à Dieu, comme de laisser chanter un canari le jour du Seigneur.
C’est ce qu’a fait Hester, jeune « puritaine » un tantinet naïve et insouciante. Dénoncée, elle finira au pilori assis (voir photo), avant d’être libérée par le jeune pasteur, Arthur Dimmesdale (Lars Hanson), par ailleurs très apprécié de ses coreligionnaires.
Très vite, la jeune femme obsède le jeune homme, jusqu’à l’irréparable qui lui vaut de porter la lettre susdite, devenant alors la cible de l’opprobre public.
En effet, Hester a déjà été mariée (contre son gré) à Roger Prynne (Henry B. Walthall), qui a disparu.
Mais n’est pas mort…
Premier des deux films qu’il a tournés avec le duo Gish-Hanson, cette Lettre écarlate est un film extraordinaire. De par sa qualité technique tout d’abord, mais aussi dans la direction des différents interprètes, confirmant le bon choix de
Ce film possède un équilibre formidable à tout point de vue, que ce soit dans l’intrigue, le rythme, ou le ton, on ne se lasse pas de le voir (et le voir, et le voir…). De plus, le duo vedette est magnifiquement apparié, donnant à cette même intrigue une force incontestable. Lillian Gish et Lars Hanson confirment une fois de plus leur immense talent, et surtout, Sjöström (2), par l’intermédiaire d’Hendrik Sartov, filme la belle Lilian admirablement.
Il faut dire que Sartov connaît l’actrice depuis un moment et n’en est pas à sa première production avec elle. Ni avec un second rôle notable ici, Karl Dane. Ce grand acteur (pas seulement pour sa taille) interprète ici le personnage comique de cette intrigue qui ne l’est absolument pas, Giles.
Certes, Giles n’apporte pas grand-chose à l’intrigue, même s’il intervient à de nombreuses reprises, mais il permet quelques pauses qui permettent au spectateur de souffler dans une histoire bien noire. Mais qu’il le veuille ou non, Giles est l’instrument – involontaire – du destin : c’est lui qui va mettre en présence les deux « maris » d’Hester.
Mais il est aussi un autre instrument : celui de
En effet, cette femme est la cause de toute cette tragédie : c’Estelle qui commet la faute originelle : elle dénonce – malgré les protestations du même Giles – Hester au pasteur (et donc au Conseil), les faisant se rencontrer et –malheureusement pour eux – s’aimer.
Parce que ce film est avant tout une histoire d’amour impossible – surtout en 1645 ! – entre deux personnes pourtant faites l’un pour l’autre mais que seule la mort peut réunir. Et en plus, ce n’est pas le cas ici !
Donc, pas de happy end cette fois-ci. Qu’importe, les images et surtout Lillian Gish suffisent. Encore une fois, elle irradie l’écran, apparaissant dans un rôle un brin différent. En effet, Hester n’est pas une héroïne issue du monde de Griffith : c’est avant tout une femme, et certainement pas innocente. Mais la grande différence, c’est le fait qu’elle soit une femme et plus une jeune fille. Et sa part d’insouciance, qui pouvait nous faire croire qu’elle avait un rôle habituel, s’efface rapidement au profit de cette femme qui prend ses responsabilités et surtout endosse seule la faute.
Et de toute façon, c’est une tragédie, alors exit Griffith !
Au final, c’est un film absolument magnifique et qui, près de 100 ans après, a gardé toute sa force et sa beauté.
Le seul regret que nous pouvons avoir, c’est qu’il ne s’agit pas de la version complète. Il y manque encore un petit peu moins de vingt minutes. Et vingt minutes de Lillian Gish en plus, c’est un trésor inestimable.
Alors je me console en me disant que la première fois que j’ai vu ce film – merci Patrick Brion ! – c’était une version encore plus courte…
- Malheureusement, les deux films sortis depuis He who gets slapped (1924) sont perdus, nous privant de deux occasions d’admirer son travail…
- Que les Américains appelaient alors Seastrom.