La bâtisse de Crookshank (1) est une véritable beauté architecturale, une espèce de croisement entre un manoir victorien et un château fort.
Mais ça, ce n’est que la façade, parce que, avant tout, Shawshank est une prison.
Elle est dirigée par Samuel Norton (Bob Gunton), un directeur sévère et empreint de la Bible, et surveillée par le chef Hadley (Clancy Brown) et ses hommes.
En 1947, Ellis « Red » Boyd Redding (Morgan Freeman) voit une deuxième fois sa conditionnelle rejetée. Le même jour, un nouveau convoi de prisonnier arrive, avec parmi eux Andy Dufresne (Tim Robbins). Il aurait tué sa femme et l’amant de celle-ci.
Depuis Paul Muni dans I’m a Fugitive from a chain gang, les films au thème carcéral ont toujours exercé une fascination sur le public qui, dans la très grande majorité, ne connaît pas – fort heureusement – cet univers. Le deuxième point qui accroche le public, c’est une évasion. Et ça tombe bien, parce que le titre français nous en promet une (2).
Autre atout : l’innocence clamée par Andy, malgré que Red lui rappelle que « tout le monde est innocent ici. »
Dernier argument : la violence normale du chef Hadley, approuvée et couverte par le directeur, aux dépens des prisonniers – dont Andy – finit de nous ranger de son côté.
Il s’agit autrement d’un film carcéral tout à fait classique avec ses éléments indispensables : la camaraderie, la violence et le sadisme, l’homosexualité, ou encore la débrouillardise.
La différence fondamentale avec les autres films de ce genre, c’est avant tout la présence de Tim Robbins. Si la narration nous est rapportée par Red, le principal protagoniste est avant tout Andy.
Il est différent : très grand et avec un sourire (presque) constant dans un univers qui ne s’y prête pas beaucoup. Et avant tout, il est humain : quand un détenu fraîchement arrivé meurt, il est le seul à s’inquiéter de son nom. De même que chaque demande qu’il tente va dans le sens du bien-être de ses camarades.
Alors comme Red a ses petites habitudes (20 ans d’ancienneté quand Andy arrive), Andy va progressivement les chambouler et lui rendre ce qu’il a perdu pendant tout ce temps : l’espoir.
Et ce duo donne la couleur du film : deux hommes différents qui se rencontrent et s’apprécient : chacun apportant à l’autre ce qu’il lui manque.
Le tandem Robbins-Freeman est d'une justesse magnifique (comme toujours chez ces deux acteurs).
Et puis il y a l’émotion. Deux moments du film nous amènent de véritables bouffées d’émotion.
- La libération de Brooks (James Whitfmore) et sa solitude, mêlée de peur qu’il éprouve quand il est livré à luimême, ainsi qu’il l’explique dans une lettre envoyée à ceux qui sont toujours dedans.
- Le disque qu’Andy passe sur les hautparleurs de la prison, amenant avec les accords et les voix des Noces de Figaro (3). C’est un pur moment de grâce où l’espace d’un instant le temps s’arrête, et comme le dit Red, un sentiment de liberté se répand dans la prison où chaque prisonnier s’est arrêté, intrigué pour fixer ces hautparleurs qui n’aboient pas les ordres habituels. Un grand moment du film.
Un dernier mot sur les méchants.
Outre Bogs (Mark Rolston, encore une fois du mauvais côté), le chef des « sodomites » (comme le dit le directeur), on trouve une paire absolument complémentaire : Norton & Hadley.
Norton est, par son statut, la tête pensante.
Il se réfugie derrière la Bible pour mieux justifier ses écarts, annonçant cette rédemption annoncée par le titre original. Son hypocrisie va de paire avec sa cruauté, éliminant ceux qui se mettent sur son passage ou remettent en cause le système qu’il a patiemment établi.
Hadley est, bien entendu, l’exécuteur des basses œuvres. Il frappe et, à l’occasion, tue. Il est ce qu’on pourrait appeler la « Main du Roi » Norton, tant il s’acquitte de son devoir avec un professionnalisme empreint de sadisme. Mais il sait aussi voir où est son intérêt, protégeant Andy quand nécessaire (i.e. quand c’est à son avantage).
(1) Prononcer : « Chaud Chaink »
(2) Pour une fois, le titre original est plus obscur et semblerait avoir réfréné les spectateurs.
(3) Sull’aria… che soave zeffiretto (W.A. Mozart)