Ce sceptique, c’est Philip Landicutt (Raymond McKee). Fils de bonne famille, il passe ses journées au golf ou à quelque autre activité prisée de la jeunesse dorée et oisive américaine. Bien entendu, il est bourré de préjugés, surtout sociaux : on ne se mélange pas avec les basses classes. De plus, il ne croit pas en Dieu, ce qui est à double titre une hérésie aux Etats-Unis.
Vous imaginez le désespoir de sa propre mère (Kate Lester), d’avoir un fils aussi peu américain…
Et puis la guerre est arrivée et ce fut une révélation : Philip décide de partir en Europe casser du Boche, parce que ce peuple ennemi est haïssable à l’envi.
Mais voilà, si la guerre est une belle chose (de son point de vue), elle oblige malgré tout à se mélanger avec le vulgum pecus…
Quand le film sort, le 11 février 1918, voilà environ huit mois que les Américains ont débarqué à Saint-Nazaire et continuent régulièrement d’y affluer. Bref, nous sommes dans un film de propagande – le cinéma est un medium qui s’y prête admirablement – pour pousser les jeunes Américains à s’enrôler. Et cet aspect est renforcé par l’aide du corps des Marines qui ont participé au film : les différentes scènes générales de batailles ont été interprétées par ces militaires, tout comme certains personnages de gradés sont interprétés par de véritables officiers. Mais à la différence des films qui seront tournés après la guerre, le personnage principal est envoyé directement au front et confronté au conflit. Et surtout, il s’agit de montrer l’armée sous un jour favorable afin d’accentuer la conscription.
Pas de réflexion pacifiste comme dans The big Parade ou plus tard All quiet on the Western Front, mais de l’action payante : les braves soldats américains sont les plus forts, il suffit de voir la prise de la tranchée allemande pour s’en convaincre. Et c’est bien entendu dans la présentation de l’ennemi que la dimension propagandiste s’épanouit : les Allemands sont d’infâmes salauds, de vrais « Huns » comme ils disaient, et il suffit de voir l’un de leurs officiers pour s’en convaincre. Non seulement le lieutenant Kurt von Schnieditz est un barbare cruel et sans pitié – il fait abattre une mère et son petit garçon pour motif d’espionnage – mais surtout il est interprété par le spécialiste des rôles de méchants Allemands : Erich von Stroheim. Et encore une fois, on aime le détester !
Il est clair que l’intrigue du film est très simpliste, mais son objectif l’explique : il faut que les jeunes Américains se retrouvent dans cette histoire héroïque et foncent aux bureaux de recrutement en sortant de la séance (1). Et le personnage de Philip est crucial : ce riche snob, méprisant et un rien athée est le parfait exemple de l’influence bénéfique (2) de la guerre : son arrogance et sa distance vont fondre, sa foi va revenir et même sa vision des ennemis va être altérée.
Bref : la guerre va faire de lui un véritable Américain et en plus, il va trouver l’amour en la personne de Virginie Harbrok (Marguerite Courtot), jeune Belge victime de la guerre : c’est sa maman et son frère qui sont exécutés par l’infâme von Schnieditz.
PS : cinq ans plus tard, Marguerite Courtot et Raymond McKee vont se marier et vivront ensemble jusqu’à sa mort à lui en 1984…
- Voire sortent de la salle de cinéma avant la fin pour le faire !
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