Janusz (Jim Sturgess) est envoyé en Sibérie, convaincu (faussement, cela va sans dire) d’espionnage.
Là il rencontre d’autres hommes qui, comme lui ne sont pas là volontairement.
Avec une poignée d’entre eux, il va s’évader, traverser la Mongolie, pousser jusqu’au Tibet puis traverser l’Himalaya pour arriver en Inde.
Bien sûr, tous ceux qui sont partis avec lui n’arriveront pas au bout du voyage.
Qu’importe : ils sont morts libres.
Evacuons tout de suite le prétexte à polémique : l’intrigue s’appuie sur un roman de Slawomir Rawicz dans lequel il raconte son périple jusqu’en Inde. Sauf qu’il n’y est jamais allé.
Mais qu’est-ce que ça peut faire ? Comme le dit le journaliste dans L’Homme qui tua Liberty Valance : « publiez la légende ! »
Et là, comme c’est Peter Weir, le cinéaste du passage qui est aux commandes, le film devient plus beau que la légende.
C’est un road movie particulier (1) qui nous est proposé ici parce que les personnages ne se déplacent qu’à pieds, réalisant une marche de plusieurs milliers de kilomètres qui va les amener au bas des pentes de l’Himalaya, au milieu des plantations de thé.
Mais tout comme n’importe quel autre road movie, les personnages arriveront au terme de leur quête transformés voire transfigurés, sinon, c’est qu’ils ne sont pas arrivés au bout.
Et des huit qui partiront, seuls trois arriveront au bout, dont Janusz bien sûr, puisque c’est supposé être son récit qui est adapté.
Et quelle histoire ! C’est un voyage extraordinaire qui est ici raconté, où chacun à un moment ou à un autre aura son heure de gloire, ses espoirs et ses moments de découragement, s’accrochant au cap donné régulièrement par ce même Janusz, descendant toujours plus au sud, vers cette liberté qui n’est donc pas toujours au bout du fusil.
Forcément, les paysages sont grandioses, ce qui transcende l’aspect légendaire du film, accentuant l’aspect surhumain de l’exploit.
Mais ce sot tout de même les différents interprètes qui donnent une épaisseur au film, jouant des personnages très humains (voir plus haut).
Si Janusz se retrouve en meneur d’hommes, c’est avant tout parce qu’il est à l’origine du périple, mais aussi parce qu’il possède une qualité fort dispensable dans une telle expédition : la bonté.
C’est Mister Smith (Ed Harris, toujours aussi bon) qui le lui reproche, mais qui va tout de même céder à ce même penchant à mesure que les difficultés vont se multiplier, et surtout avec la venue de LA femme : Irena (Saoirse Ronan).
Smith est un solitaire qui s’st retrouvé dans le communisme par conviction et en est sorti dégoûté et malheureux (allez découvrir son histoire) : il n’accepte qu’à peine ses autres compagnons de route, alors quand Irena les rejoint, il ne peut que refuser sa compagnie.
Pourtant, c’est avec elle qu’il va s’ouvrir.
Irena n’est peut-être pas ce qu’elle prétend quand elle rejoint ces hommes, mais sa présence va transformer le groupe, ramener des valeurs humaines à ces hommes dont l’unique idée est d’arriver en Mongolie (2).
Il faut les voir se laver et se raser sur les bords du lac Baïkal (pas le vrai, nous sommes au cinéma) pour avoir le sourire qui apparaît sur nos lèvres, comme un sursaut d’humanité et un désir – naturel ? – de plaire.
Et immanquablement, il y a les passages. Ce sont des barrières plus ou moins physiques qui vont être franchies par nos héros dans leur voyage initiatique.
La première, c’est la frontière avec la Mongolie. C’est aussi là qu’un deuxième membre quitte le groupe, et pas des moindres puisqu’il s’agit de Valka (Colin Farrell), un criminel de droit commun très dangereux, mais aussi le seul qui possède un couteau.
Valka, ce sont les instincts primaires de l’homme, ce besoin de survivre à n’importe quel prix : s’il rejoint Janusz c’est avant tout pour éviter d’être tué au camp. A la différence des autres, il n’est pas un prisonnier politique : quand se dresse – moralement – la frontière mongole, Valka choisira de rester en URSS, n’ayant à se méfier que des autres criminels comme lui, la réflexion (politique) n’étant pas son fort.
Mais Valka n’est pas seulement une brute sanguinaire : mais son instinct primaire lui permet de voir qui sont réellement certains, et d’apprécier les qualités des autres.
Un personnage pas si simple que cela.
Le deuxième passage, c’est un trou dans la Muraille de Chine qui leur permet de quitter la Mongolie. C’est un autre moment de joie surtout après la traversée difficile et meurtrière du désert de Gobi. Ce passage est le plus dur pour les organismes mais est aussi l’un des plus beaux d’un point de vue photographique.
[Attention, une partie de la résolution de l’intrigue va être discutée et donc révélée !]
C’est dans ce désert que va les quitter Irena, incapable de survivre dans cet enfer de chaleur. Sa fin a quelque chose de christique dans la forme : non, elle ne permet aucune rédemption, mais c’est son apparence qui va dans ce sens.
Pour se protéger du soleil, on lui a fait un chapeau à partir de végétaux. Ce chapeau sui sera placé délicatement sur la tête, comme une couronne. Mais d’aspect, cela ressemble plus à une couronne d’épines, ce qui annonce(rait) sa fin proche après un véritable calvaire (3).
Au final, un très beau film (encore un) de Peter Weir où il suit avec beaucoup de soin et d’attention ces évadés qui deviennent rapidement des vagabonds, fuyant un régime injuste (pour eux et les autres) et s’accrochant à une chimère qui devient leur raison de vivre : la liberté.
Mais cette liberté est au bout du voyage, au-delà de cet horizon qui ne cesse de reculer, la repoussant toujours plus loin, au-delà des limites physiques et humaines, supplice de Tantale auquel seule la moitié d’entre aux survivra.
- Encore un : ils le sont presque tous !
- Le premier objectif était ce pays, mais découvrant qu’il s’agit d’un autre état communiste, les marcheurs décident de descendre encore plus au sud.
- N’oublions pas que « passion » signifie aussi douleur.