Le « Théorème Zéro », c’est celui qui explique tout et rien : le chaos. Mais le chaos a un prix, et c’est ce que veut prouver Management (Matt Damon), pour l’exploiter, bien entendu. Pour cela, il missionne Qohen Leth (Christoph Waltz), un misanthrope génial mathématiquement, mais inadapté socialement, qui attend LE coup de téléphone décisif, celui où on répond « oui » sans hésiter.
Mais le coup de téléphone ne vient pas, l’angoisse augmente avec le stress et le Théorème n’avance pas. Et ce malgré l’aide de Bob (Lucas Hedge), le fils de Management, de la belle Bainsley (Mélanie Thierry), ou de la psy virtuelle (Tilda Swinton, réjouissante)...
Magnifique.
Du pur Gilliam. A nouveau, le grand Terry nous emmène dans un monde imaginaire aux caractéristiques très réelles, véritable synthèse de mondes déjà proposés par cet immense medium qu’est le cinéma, mais avec la folie du réalisateur. On y retrouve les éléments de ses précédents films de science-fiction – Brazil ou L’Armée des 12 singes (1) – avec cette même lueur pessimiste.
Physiquement, Qohen ressemble à James Cole (L’Armée), et tout comme Sam Lowry (Brazil), il passe sa vie derrière un écran d’ordinateur. Mais ce n’est pas le Ministère du Recoupement qui règle la vie : plutôt un conglomérat avec à sa tête un philanthrope particulier de type Zuckerberg ou Gates, confirmant l’assertion/titre d’album de Frank Zappa : « we’re in it for the Money » (2).
Avec en prime un clin d’œil appuyé à Central Services (Brazil) : Mancom contrôle tout.
On retrouve donc l’univers un tantinet steampunk de ses autres films, avec des références visuelles nombreuses dont une magnifique Pietà quand Qohen dépose délicatement Bob sur un divan, enveloppé dans une serviette, sous un vitrail de l’ancienne chapelle où il vit.
Et puis il y a les couleurs : elles sont omniprésentes dans un monde d’une grande tristesse où très peu de choses sont autorisées : quand Bob et Q(ohen) sont assis sur un banc, derrière eux s’étale une collection incroyable et incommensurables de panneaux d’interdictions. On se demande ce qui reste autorisé : même sourire est interdit !
Ces couleurs sont une composante primordiale dans le film, mais cette profusion les détourne de leur but premier : habillé tout en noir, Qohen est le seul original dans ce monde où la norme est devenue bariolée, comme le remarque Bainsley. Et ces couleurs chatoyantes et agressives arrivent à nous mettre mal à l’aise en voyant ce monde proche de celui d’Orwell (1984).
Et puis il y a le rêve, le moteur de Gilliam. Il s’exprime ici à travers la réalité virtuelle de Bainsley : une combinaison connectée qui les emmène tous les deux dans une île paradisiaque au soleil couchant éternel. Là encore, les couleurs ont leur importance, mais dans le bon sens : elles rassurent et font du bien. Mais là encore, le pessimisme revient au galop, quand Qohen emmène sa compagne (virtuelle) dans son monde personnel : un immense trou noir tourbillonnant, véritable expression de ce que pourrait démontrer le fameux théorème.
Bref, nous sommes e plein dans l’univers de Gilliam qui n’a pu qu’aimer le scénario de Pat Rushin et toutes les possibilités visuelles qu’il propose.
La preuve…
PS : vous avez remarqué que Bainsley s’en va en camion ? Que l’ordinateur central explose amenant le chaos avec des images qui tombent en pluie comme des feuilles de papier ?
Ca vous rappelle Brazil ? Tiens, tiens…
- Je n’ai pas encore vu The Imaginarium of Doctor Parnassus.
- Nous sommes là pour l’argent.